24.8.06

Acouphènes - Géraldine Maillet

« Un moment pour nous où elle oublie qu’elle trop grosse, trop sourde, trop mère, trop endettée, trop seule. »

C’est sur cette phrase que Géraldine Maillet, mannequin qui n’en est plus à son premier essai littéraire, achève sa dernière livrée avec « Acouphènes ».

Une phrase qui résume bien l’atmosphère de l’ouvrage. Il existerait donc peut-être une faible lueur d’espoir, au moins temporaire et fugitive, derrière le monde sans pitié qu’habitent les personnages. Ce monde, c’est le nôtre. Le vôtre. Celui où les pères partent sans laisser d’adresse, où la maladie décime les êtres chers qui vous entourent jusqu’à vous en donner le dégoût, à vous foutre la honte, à se haïr pour l’amour qu’on en a encore, à fuir en haïssant ce que nous ne supportons plus, jusqu’à revenir, nous-mêmes, honteux de nos propres sentiments. Un monde sans repères.

Un monde où rien ne dure, surtout pas le bonheur. Un mode où tout et tous vous trompent sauf les saltimbanques en marge de la société et qui savent faire d’un rien un moment de plaisir, pour oublier, pour exister ensemble au moins.

Un monde où tout bascule : belle femme lâchée par la maladie (les acouphènes évoqués ici sous leur forme extrême provoquant une quasi-totale surdité), le boulot parce qu’exercer comme médecin généraliste en étant sourd est tout sauf une évidence, le confort et les beaux appartements parce qu’on ne peut plus les payer, les mecs qui défilent pour compenser et croire encore qu’on peut séduire, malgré toutes les évidences et l’obésité (les cortisones) que l’on refuse de voir, la confiance qu’on a envers ceux qui disent nous aimer. Un monde de totale instabilité, en sursis.

Ce livre n’est qu’un cri de douleur, une déchirante détresse d’une fille envers sa mère qui la voit déchoir, sans réel espoir d’arrêter cette spirale infernale. Une fille en prise avec l’adolescence qui exacerbe tout, en proie à ses doutes et qui règlent ses comptes, à distance, avec ce père qui est parti sans un mot, ce qu’elle a dû comprendre et gérer seule. Des mots simples, de tous les jours ; des phrases courtes qui vous hachent à la mitrailleuse. Des chapitres fugaces qui sont comme de faibles espaces à franchir, à toute allure, entre deux tranchées, avant de repartir au prochain assaut. Au mieux, vous vous en tirez jusqu’à la prochaine. Un livre de survie, bouleversant, terrible et où chaque génération se retrouvera. Vous y tomberez en quelques lignes sans pouvoir n’en plus sortir.

Un vrai talent et un style qui fait mouche à tous les coups.

165 pages – Edité par Flammarion

Aucun commentaire: