29.9.07

Un réveillon mortel – Alice Thomas Ellis

Encore un réjouissant roman anglais contemporain bien décapant…

Eric est propriétaire d’un pub aux confins de l’Ecosse, paumé sur une île vaguement desservie par un ferry ou par un factotum alcoolique, Finlay, qui donne de temps en temps un coup de main à Eric.

Celui-ci, pour attirer des clients hors saison et refaire ses finances, fait passer une annonce dans divers magazines en vue londoniens. L’annonce invite les célibataires intéressés à passer Noël dans un endroit retiré du monde. Sa femme en profitera pour le plaquer au moment où les hôtes vont se présenter.

Cinq Londoniens répondent à l’appel.

Jessica, actrice en vue, reine des spots publicitaires et que son mec vient de plaquer. Jessica est vaguement dépressive et en proie à un doute métaphysique. Elle a su rester naturelle et simple malgré la gloire et cache plus oiu moins ses sentiments derrière une façade passe-partout.

Anita, chef de rayon papeterie dans une grande surface quelconque, vient également de rompre. C’est une fille peu sûre d’elle-même et qui ne rêve qu’à une chose : trouver l’homme de sa vie.

C’est sur Ronald, psychiatre, dépressif, introverti, qui ne supporte plus ses patients, qu’elle va jeter son dévolu. Ronald vient lui aussi de se faire larguer par sa femme et il n’arrive pas à assumer la solitude et les tâches ménagères. C’est aussi un obsédé du prochain repas, qui rythme des journées vides.

Il y a Harold, officier à la retraite, veuf et dont on apprendra que son fils s’est noyé au large de cette île. Lui aussi est dépressif, suicidaire et peuple une vie sans but par la réalisation d’une monographie sur le Général Gordon, héros oublié de Khartoum.

Enfin, Jon complète le quintette. C’est lui aussi un acteur qui a suivi Jessica à son insu et la poursuit obsessionnellement de ses assuidités. Jon est paranoïaque, menteur et totalement imprévisible. C’est un fou dangereux.

Le décor est alors en place pour laisser libre cours à une écriture à la fois drôle et féroce. Une écriture pour révéler les pensées intimes de chacun des personnages et les scenarii qu’ils élaborent dans leurs pauvres cerveaux pour s’accaparer ou rejeter l’un ou l’autre de ces célibataires avec lesquels il va bien falloir composer pendant trois jours.

L’auteur manie subtilement l’esprit de la terre, celui qui anime les quelques îliens dont le seul passe-temps consiste à s’abrutir d’alcool et à médire sur ses congénères et l’oppose à l’esprit de la mer qui apporte son lot de malheurs, de fantômes (nous sommes en Ecosse) et de violence.

De la violence, il y en a beaucoup dans ce roman jouissif et subtilement méchant. Elle est avant tout psychologique, intérieure et contenue derrière un inévitable flegme britannique. Toutefois, cela n’empêche pas la perfidie de percer aux détours de certaines répliques bien senties.

L’une des nombreuses réussites de ce récit tient dans ses dialogues où Alice Thomas Ellis superpose brillamment des répliques entre protagonistes. Le tout se traduit par des rapprochements improbables et des séquences à « la Cantatrice Chauve ».

Comme souvent avec ce genre de roman anglais, l’histoire se terminera mal. La fin est moins surprenante que dans « Le tyran Domestique » (blogué ici) mais elle réserve son lot de justice immanente.

A lire absolument si, comme moi, vous appréciez le genre !

Publié aux Editions de l’Olivier – 255 pages

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