5.9.08

L’inconsolable – Anne Godard

Avec ce premier roman encensé par la critique, Anne Godard nous fait pénétrer dans un monde de noir désespoir, sans autre issue que la mort de préférence atroce. Grâce à une écriture finement ciselée et qui ne laisse pas la moindre place à la lumière, nous plongeons en quelques phrases dans la folie destructrice d’une femme. Une femme qui s’adresse à nous et nous interpelle du fait de l’utilisation du « tu », un tutoiement qui ne permet aucune distanciantion et rend le lecteur en partie coupable de ce qui se joue sous ses yeux. Ce qui ne fait qu’ajouter au malaise qui s’empare de nous.

Tout se joue à l’intérieur de la tête d’une femme sans âge, une petite soisxantaine sans doute, et dont la vie a basculé le jour où son fils aîné est mort. Un suicide, inexplicable et inexpliqué alors qu’en apparence tout allait bien et qu’elle pensait très bien connaître son fils.

Avec ce suicide, les évènements vont s’enchaîner, entraînant la femme dans une spirale dépressive et destructrice. D’abord le mari qui part, sans explications, estimant avoir suffisamment joué son rôle de père et qui laisse l’épouse et mère se débrouiller avec deux filles et un petit dernier.

Puis les enfants qui s’en vont, les uns après les autres, non sans avoir précautionneusement et méticuleusement détruit les traces de leur enfance et surtout toute présence matérielle de leur frère, honteusement disparu. Des amoncellements de sacs poubelle, laissés devant la maison pour dire l’urgence de la fuite. Des sacs dont les voraces voisins s’empareront, le gain gratuit n’appelant pas de retard. Une fois la maison quittée, aucun des enfants ne donnera plus signe de vie.

A qui la faute ? Sans doute en grande partie à la mère que ces abandons arrangent car ils la justifient dans son rôle de victime et la laissent se débrouiller seule avec une maison trop grande pour elle et chargée de souvenirs, surtout des souvenirs douloureux.

Aucun contact avec le monde extérieur. C’est en recluse qu’elle s’enfonce dans sa folie, peu à peu. Les nuits d’insomnie s’enchaînent, les journées vides aussi qu’il faut bien peupler avec une cohorte de souvenirs fantômatiques et malheureux.

Une folie qui emmènera la mère jusqu’à la maladie de Niobié, la maladie de la pierre, une maladie incurable et qui entraîne la mort par asphyxie. Une maladie qui obligera les siens à assister à sa déchéance et à écouter les insondables reproches qu’elle aura pris le soin de leur léguer, par écrit, pour être sûre qu’ils ne pourront y échapper. Pour comprendre qu’elle est inconsolable de la perte d’un fils idéalisé ; un enfant qui n’aura existé que par procuration.

On sort un peu groggy de ce roman dur et d’une profonde noirceur. Un roman fort, dérangeant et qui signe certainement la naissance d’une belle et nouvelle plume.

Publié aux Editions de Minuit – 157 pages

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