19.9.08

Un week-end dans le Michigan – Richard Ford

C’est un livre profondément mélancolique que Ford a concocté. Un livre aux tonalités très différentes de « Une mort secrète », beaucoup plus intimiste et introspectif. Un livre aux tonalités grises comme la brume qui masque une réalité qu’on a du mal à accepter.
Le livre est écrit à la première personne du singulier, sous la forme d’une confession distanciée, d’un petit observateur détaché qui aurait la capacité à disséquer ce que le moi auquel il est rattaché a pu commettre en bien ou en mal, consciemment ou inconsciemment. C’est Franck Bascombe qui parle, un brave type de trente neuf ans, journaliste sportif et divorcé.

Petit à petit, par les confessions qui nous sont livrées, les retours nostalgiques dans un passé dont il comprend qu’il a peut-être symbolisé le bonheur sur terre, nous allons de mieux en mieux faire connaissance avec Franck Bascombe. De même qu'il va apprivoiser sa personnalité en trouvant un sens à une vie qui s’est toujours cherchée jusqu’ici.

Depuis son divorce, d’un commun accord avec son ex-épouse, ils se sont installés dans la même petite ville du New-Jersey pour protéger les enfants. En fait, il semble bien que tous deux continuent d’être amoureux l’un de l’autre, mais qu’ils sont trop fiers pour se l’avouer et revivre ensemble. Pourtant, ils se téléphonent presque quotidiennement, se servent de confidents et partagent une connivence autrement plus grande que bien des couples légitimes.

Depuis son divorce, Franck cherche un nouveau sens à sa vie mais ne parvient pas à le trouver. Il a collectionné les femmes, souvent des amantes d’un soir, découvertes dans un hôtel ou un bar qu’il fréquente lors de ses incessants déplacements professionnels. Une seule liaison a duré trois ans, une liaison sulfureuse et pleine de passion mais qui ne pouvait mener qu’à la destruction. Il ne reste de ces aventures qu’un goût amer car aucune na su approcher ce qu’il comprend avoir connu avec son ex-épouse.

Il s’est essayé au professorat car, avant d’être journaliste, il fut auteur d’un recueil de nouvelles qui fut salué par la critique. Mais comme il est velléitaire, il a cessé d’écrire, l’inspiration et la constance manquant. Cette tentative fut désastreuse et le ridiculisa plus encore à ses propres yeux.

Il croit avoir trouvé un amour et une relation stables avec une jolie infirmière de la ville et il décide de partir avec elle pour un week-end dans le Michigan, à Detroit, où il doit interviewer une ex-vedette du base-ball devenue infirme et clouée dans un fauteuil roulant.

Nous allons suivre le déroulement d’un week-end mémorable où tout va se conjuguer pour mettre à bas les moindres projets de notre homme. Sa fiancée va se révéler profondément déséquilibrée et le malaise ne va cesser d’empirer avant d’éclater dans une série de scènes déchirantes d’humanité et où, pour se rassurer, pour croire en quelque chose, il ne cessera de crier son amour sans être certain de sa sincérité et malgré les évidences qui devraient le conduire à prendre ses jambes à son cou.

Lors de ce même week-end, une de ces connaissances qui se dit son ami et le harcèle parce qu’il est hanté par ce qu’il a découvert récemment sur lui-même, va se décider le dimanche de Pâques et le précipiter sur des routes parsemées de rencontres hostiles. Ses ex-petites amies, recontactées en hâte, vont lui prêter l’attention méritée après des années de silence.
Même son ex-épouse va finir par lui claquer la porte au nez après une conduite impardonnable dictée par le désespoir et la mélancolie.Chaque tentative est vouée à un échec de plus ou plus cuisant pour son amour propre.

C’est sur cette trame profondément déchirante et sur la solitude qui hante chacun des personnages, que Ford va bâtir un roman fort, dense, d’une intense humanité. Un roman sans joie et où tout tourne court. Un week-end pour en finir avec ses illusions et enfin tourner la page, devenir adulte, s’assumer tel que l’on est et non pas tel que l’on rêverait que les autres nous vissent.

Un roman qui pose la question du rapport à l'écriture et de la façon d'être aux autres.

Ce long roman se déguste avec la lenteur et l’attention dues à ce qui est rare, le talent et la force d’expression. A éviter toutefois si vous traversez une phase profondément dépressive !

Publié aux Editions de l’Olivier – 491 pages.

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