27.2.09

Eloge du mensonge – Patricia Melo

Que voilà un roman impertinent, original, drôle, inhabituel ! Un de ceux qu’on adore. Un de ceux que les écrivains brésiliens, avec leur sens de la vie, de l’amour, du débridé sont parmi les rares à savoir produire. Quel régal !

C’est en citant le dernier paragraphe de la page 94 que l’on cernera le contexte et le ton : « C’est ça la vie. Je me retrouvais sans emploi, amoureux fou d’une femme qui élève des serpents, attendant la mort d’un type, sans le sou, et avec une mère de plus en plus folle à la maison. Et orgueilleux, en plus. »

José Guber, celui qui nous fait part ci-dessus de ses réflexions, est un petit écrivain minable. Il commet, au long des premiers chapitres de ce roman jouissif, de courts synoptiques minables et maladroits sur d’invraisemblables romans policiers. La réponse est toujours la même : refusé par son éditeur qui a commis l’imprudence de lui faire une avance.

José, en se rendant à l’Institut pour étudier d’un peu loin les serpents et leur venin, en quête d’une mort sensationnelle d’une victime encore non née, au plan littéraire s’entend, va faire la rencontre de la sommité nationale, Fulvia.

Fulvia, c’est l’Eve brésilienne, attirante, lascive, qui glisse ces animaux phalliques autour de son cou, de ses cuisses pour mieux faire succomber José lors de discussions éthérées. Oui mais, Fulvia est mariée et se dit victime de son mari et de ses violences conjugales, apportant d’apparentes preuves médicales à un amant fou et aveugle.

Quoi de mieux qu’un auteur de romans policiers, même minables, pour supprimer un mari qui devient encombrant ?

Patricia Melo nous entraîne alors dans une suite de délires, de scènes effarantes et d’un comique incompressible, aussi déluré que les scenarii improbables élaborés pour faire supprimer le mari par un serpent qui n’en a que faire.

Les résultats seront partiels et la vie en deviendra plus compliquée. Plus compliquée, elle sera encore lorsque José Guber, enfin marié à Fulvia, décidera de changer de personnalité, de nom, de style, pour devenir un auteur à succès qui publie de géniaux livres censés modifier complètement votre vie psychologique et affective et vous faire rencontrer le bonheur et Dieu.

Plus le succès viendra, ce qui permet au passage à l’auteur de se livrer à un démolissage ahurissant de ces prétendus sauveurs de l’humanité, plagiats et imbus de leurs seuls intérêts, plus la vie de José Guber deviendra infernale.

Il faut dire qu’il est difficile de masquer un meurtre, de divorcer de Fulvia, femme aussi dangereuse que ses serpents, vivre le grand amour avec son assistante et se défendre contre des attaques directes ou indirectes visant à vous détruire.

Cet univers coloré, débridé, féroce et tendre à la fois, où les comptes se règlent à coups de revolver et où la vie de ceux qui encombrent ne pèse jamais bien lourd permet à Patricia Melo de tisser une intrigue solide et qui tient fièrement la route.

L’imaginaire et une dose de fantasque au service d’un neo-polar si j’ose cette formule. Un neo-polar au service d’une critique de l’argent facile et de ceux qui profitent des faibles. Le tout sans effets larmoyants et mis en musique sous une écriture charpentée, colorée, vive et immensément drôle. Un succès total.

Vous ne pouvez plus ignorer Patricia Melo. Alors vous savez ce qui vous reste à faire !

Publié aux Editions Actes Sud – 239 pages