13.3.09

Le passage de la nuit – Haruki Murakami

Encore un roman japonais éblouissant, une de ces perles à ajouter à la liste qui commence à devenir substantielle des coups de cœur de Cetalir.

H. Murakami est né en 1949 et son premier livre, Ecoute le chant du vent, malheureusement non traduit en France, lui a valu un prix local. Saluons encore une fois le travail du petit éditeur Belfond qui est l’éditeur principal de ce romancier injustement méconnu chez nous.

« Le passage de la nuit » est une œuvre singulière, une composition d’atmosphère, toute en nuances, un exercice de style qui fait cohabiter quelques personnages, le temps d’une seule nuit.

Une très courte nuit, une fois tous les salary-men de Tokyo rentrés chez eux et avant que les premiers trains de 5.00 ne commencent à déverser leur flot de lointains banlieusards.

Une nuit pour les paumés, les marginaux, les laissés-pour-compte, les violents, cette zone floue faite d’humanité, de joies, de cris et de remugles. Une nuit qui avance au rythme d’une horloge, chaque chapitre nous emmenant d’une heure à l’autre ou nous faisant trottiner sur quelques minutes.

Dans cette nuit, nous allons rapidement tomber sur une prostituée chinoise, ne parlant pas un mot de japonais, et qui vient de se faire tabasser par un cadre, obsédé de l’ordre, de la propreté, de la minutie et qui rythme une vie vide de sens aux mesures de Bach ou de Scarlatti.

Autour de cette prostituée, mal en point, abandonnée au fond d’un minable love-hotel, une petite communauté de solidarité va se former. Nous ferons successivement connaissance d’une femme de chambre en fuite de la mafia japonaise, une gérante ex-catcheuse professionnelle, un étudiant amoureux fou de jazz et deux sœurs. Deux sœurs aussi différentes que possible.

La plus jeune est en proie aux doutes, cherche un sens à sa vie et à ce qui emprisonne sa sœur aînée. Une sœur aînée, belle, admirée, mannequin de mode et qui, sans prévenir, a décidé de se laisser dormir jusqu’au bout, jusqu’au passage de la grande nuit. C’est elle que nous allons observer du coin de l’œil en assistant à un sommeil sans fin, à peine troublé de périodes de courts réveils destinés à maintenir les fonctions biologiques essentielles.

C’est la juxtaposition de toutes ces histoires intimement mêlées qui va à la fois donner sens au roman et former le carburant vital permettant à chacune et chacun de ces paumés de eux aussi passer la nuit et repartir de l’avant.

Laissez-vous porter par le temps qui s’égrène lentement, par la succession de ces tout-petits riens qu’on ne remarque jamais, jusqu’à ce qu’ils finissent par former un morceau de vie, un tableau plein de sens.

Un livre profondément humain, immensément poétique, admirable. Indispensable à tout honnête homme qui se passionne de littérature.

Publié aux Editions Belfond – 230 pages