5.12.09

Je m’en vais - Jean Echenoz



Voilà de la littérature solide, bien écrite ! Jean Echenoz est un maître des lettres et sait associer de façon surprenante les mots souvent communs pour en tirer des images d’une force et d’une poésie surprenantes. Quand, en outre, il y injecte un humour décalé, le lecteur passe un moment agréable, servi par une histoire amusante et pleine de rebondissements.


Un galeriste quitte, sans mot dire, son domicile conjugal en laissant les clés sur le meuble de l’entrée. Un départ définitif, la fin d’une vie impossible, à deux. Il se rend, impatient, chez sa maîtresse dont il va, bien vite, se lasser.


De fil en aiguille, le marché de l’art déclinant, les artistes promus se trouvant en manque d’inspiration, il va finir par céder à son assistant à la tenue constamment négligée et qui semble épuisé par la vie. Un incroyable trésor d’antiquités inuïtes est échoué sur la banquise au large du Canada. Il attend, depuis des années, qu’un inventeur se l’accapare et promet fortune immense à qui saura se l’approprier.


Fauché, financièrement parlant, déçu de la vie parisienne, rasé par les conquêtes féminines sans lendemain et sans saveur, notre homme s’embarque pour un périple audacieux dans le grand Nord.


C’est là un des grands moments du livre, d’une incomparable drôlerie dans sa confrontation d’un occidental blasé et revenu de tout et quelques esquimaux un peu poètes, bruts de fonderie, aux moeurs aussi simples que l’ennui qui les habite est profond !


Nous arrêterons là le récit qui connaîtra de nombreux rebondissements et évoluera peu à peu vers une sorte de roman noir à la grande tenue littéraire et à l’humour décapant.


Certes, ce n’est pas un livre qui marquera l’histoire de la littérature, mais c’est un livre bien fait, encore une fois superbement écrit (certaines comparaisons forcent l’admiration !) et où une collection de personnages pittoresques, déglingués par la vie, brinquebalés par des histoires qui finissent toujours par les dépasser évolue dans un ballet très bien orchestré. Un livre où l’ennui qui habitent les personnages est un trait de caractère commun. Mais un ennui professionnel, structurant et poussant à des actions souvent orthogonales à ce que l’on aurait été en droit d’attendre des personnages mis en scène, d’où un humour très anglo-saxon.


Le lecteur, baladé de surprise en surprise, se prend donc à tourner fébrilement les pages, tout en prenant soin de savourer certains passages d’une inventivité littéraire extraordinaire, jusqu’à refermer, repus et heureux, un livre solidement réalisé.


Bref un petit bonheur...


Publié aux Editions de minuit - 253 pages