24.1.10

Le jeu de l’ange – Carlos Ruiz Zafon

Depuis l’incroyable succès de « L’ombre du vent » que nous avions adoré et qui reste un des plus fascinants livres que nous ayons eu à lire ces dix dernières années, vendu à plus de dix millions d’exemplaires dans le monde, la question me taraudait de savoir si et comment Mr Zafon allait rebondir avec le roman suivant. Car il y a de quoi être déstabilisé après un inattendu succès planétaire qui vous rend riche et célèbre, du jour au lendemain.

Un simple regard à la couverture donne tout de suite le ton. Jaquette étrangement superposable à celle de l’Ombre du vent, effets identiques de brouillard et de désertion urbaine ainsi qu’un inévitable rappel, en haut, bien au centre de « Par l’auteur de L’Ombre du vent ». Du coup, on se dit que le roman doit avoir quelque chose à voir avec le précédent. Pourtant, la quatrième de couverture n’est pas des plus engageantes avec cette histoire d’écrivain qui semble avoir vendu son âme au Diable en échange d’une immortalité littéraire dans une Barcelone chamboulée par l’Exposition universelle qui vient d’en modifier les contours et les infrastructures.

Mais, émoustillé par la précédente et déjà lointaine découverte, je me cale bien confortablement dans mon canapé afin d’entamer la longue (très longue) lecture des plus de cinq cent pages annoncées.

Et là, grande déception je dois dire. Zafon nous fait du Zafon mais c’est carrément l’ombre de « L’Ombre du vent », si j’ose ! Nous comprenons peu à peu (et plutôt lentement) que « Le jeu de l’ange » n’est autre que le tome précédent le roman antérieur, que les lieux sont bien les mêmes, ces quêtes et enquêtes autour d’incunables oubliés au fin fond d’une bibliothèque géante et ésotérique renverront à la suite (qui précède, vous me suivez bien entendu), que l’étrange fillette que nous apercevons bien en évidence sur la jaquette n’est autre que la femme dont nous suivrons l’existence dans l’Ombre du vent…

Tout cela aurait pu se situer à la même hauteur que le roman à succès mais voilà, Zafon semble avoir oublié en chemin sa verve et s’être laissé engluer dans une intrigue artificiellement compliquée, invraisemblable et alambiquée qui a pour résultat de plonger son lecteur dans une lecture détachée et entrecoupée de bâillements de plus en plus compulsifs. Il faut attendre plus de deux cents pages pour qu’un semblant d’action se mette en route. Puis le roman, qui navigue dans un genre qui semble plaire en Ibérie fait d’ésotérisme religieux, de magie et de thriller policier, va définitivement sombrer dans un macabre de Grand-Guignol où les morts spectaculaires et sordides vont nous laisser indifférents.

Sans doute le roman aurait-il gagné en efficacité s’il avait été largement coupé et son intrigue simplifiée. Même l’humour de l’auteur tombe ici complètement à plat. Bref, c’est franchement raté et décevant. Il reste à espérer que Mr Zafon saura définitivement quitter son encombrant enfant littéraire pour ne pas apparaître à la postérité, qui semble le préoccuper, comme l’homme d’un seul livre.

Edité aux Editions Robert Laffont – 2009 -537 pages