18.6.10

Intérieur Sud – Bertrand Visage

Laissé pour mort sur une plage, recueilli et soigné mystérieusement, un homme repart à la recherche de son épouse, fille d’un grand de la mafia, dans une petite bourgade de Sicile.

Après quelques hésitations, il finit par franchir le seuil de son immeuble et par passer la porte de son appartement. Huit ans d’absence, huit ans sans nouvelles.

Mais son épouse n’est pas là et l’appartement semble avoir été déserté depuis longtemps. Les voisins s’empressent de l’accueillir tel l’enfant prodigue et de lui faire sentir qu’il fait partie d’une collectivité soudée. Tout se passe comme s’il s’était absenté depuis hier.

Peu à peu, l’homme va ré-apprivoiser les lieux, se les réapproprier, vidant les objets qui n’appartiennent pas à un passé commun, idéalisé. Il repeint les volets, réorganise les placards, bref pose sa griffe de plus en plus profondément.

Mais sa solitude sera de courte durée car une belle inconnue atterrira de façon inattendue sur son balcon un soir de violents orages.

Le roman prend ici une allure plus psychologique, un brin fantastique. Comment, après huit années de solitude, ré-apprendre à vivre à deux, découvrir et comprendre cette autre inattendue, littéralement tombée du ciel. Qui aimer : l’épouse dont il n’a plus aucune nouvelle et qui ne semble pas étrangère au sort qui l’a laissé inanimé sur une plage lointaine ? La belle jeune femme, bizarre, paumée, exploitée mais si attirante et dont il s’occupe avec tendresse et dévotion ?

Le titre est particulièrement bien choisi. Intérieur car c’est à l’évolution des sentiments que nous assistons, à la peur de voir revenir l’ex-femme aimée, celle pour laquelle il a franchi la mer, à nouveau. Intérieur car c’est à la reconstruction affective de deux êtres perdus, brisés menu par la vie que nous assistons, patiemment, par petites touches pudiques et délicates.

Sud car l’exubérance méditerranéenne est omniprésente, le sens de la fête, le plaisir d’être en société rythment ce récit si attachant. Et puis la chaleur qui écrase, le soleil qui tape mais qui favorise les retrouvailles dans le patio de l’immeuble, pour l’occasion dégagé des motos et poussettes qui l’encombraient.

On savoure ce beau roman pour ce qu’il est : un petit bijou ensoleillé, avec ce brin de folie du sud, ce génie inventif, cette démonstration sympathique.

Une recommandation de Cetalir.

Publié aux Editions du Seuil – 187 pages