5.11.10

Sang chaud, nerfs d’aciers – Arto Paasilinna


Après les succès retentissants, entre autres, de « Petits suivcides entre amis » ou bien encore « Le lièvre de Vatanen » (dont vous trouverez la note de lecture sur Cetalir), l’écrivain finlandais A. Paasilinna nous livre son dernier opus.

Pour une fois, l’auteur quitte un peu son ton humoristique, délaisse les gags ou les situations cocasses en série pour se lancer dans une fresque familiale historique sur deux générations qui se superposent avec les pires heures que la Finlande ait connu au XXème siècle.

Le roman s’ouvre quelques semaines avant la naissance de Anti Kokkoluoto chez l’accoucheuse du village, veuve et robuste femme, chasseuse de phoques et devineresse, sorte de sorcière que tous admirent et redoutent pour sa capacité à prédire l’avenir. Elle annoncera aux parents de Anti que celui-ci naîtra au moment où la Finlande plongera dans la guerre civile de 1918 et vivra jusqu’à l’âge, alors canonique, de soixante dix ans.

C’est cette période qui nous mènera jusqu’en 1990 que nous allons traverser sous la plume alerte de Paasilinna. Elle nous donnera à voir un pays dont nous savons ici peu de choses. Un pays secoué par d’énormes tensions internes entre suédophones et finnois augmentées de nouvelles tensions entre les Blancs, partisans d’une liberté plus ou moins adossée à la Suède, et les Rouges, qui ne jurent que par la Russie communiste toute proche. Un pays qui s’écroulera lors de la crise de 1929, plongeant des milliers de familles paysannes dans la plus profonde misère, qui verra l’effondrement du peu d’industries qu’elle comptait et favorisera, de ce fait, l’émergence des chemises brunes fascistes.

De fait, la Finlande sera l’alliée de l’Allemagne durant la seconde guerre mondiale, repoussant les attaques russes dans un premier temps malgré une écrasante infériorité numérique. Puis, elle tournera casaque et rejoindra le camp des vainqueurs tout en payant un très lourd tribut de guerre à la Russie Stalinienne qui aura fini par venir à bout d’une résistance patriotique qui aura fait de très nombreuses victimes.

Anti et son père, un petit commerçant rusé, marié à la plus belle femme du village, l’institutrice, se trouveront mêlés, comme bien d’autres, à tous ces faits historiques. Loyaux et malins, ils sauront, avec des fortunes diverses, tirer les marrons du feu sans échapper, pour des durées plus ou moins longues, aux geôles finnoises ou russes au gré des circonstances.

Le père d’Anti, habile spéculateur, saura s’enrichir au-delà de toutes espérances sans perdre son âme tout en ayant su faire les bons choix politiques, y compris par le coup de poing car les Finlandais sont bagarreurs. Anti apprendra à devenir adulte, laissant le sang chaud de son père parler, lorsque de besoin, et faisant preuve de nerfs d’acier dans les circonstances de guerre, de grèves, de conflits qui vont jalonner sa vie. Il finira entrepreneur, député et ministre, respecté de tous.

Paasilinna possède un talent inné de conteur qui s’exprime ici une fois encore. On suit donc avec intérêt l’histoire de cette famille au fur et à mesure que la grande Histoire s’écrit. On y vit, on y meurt. On en tire parti ou non. Comme partout, le destin individuel est une affaire de circonstances et de talents.

Publié aux Editions Denoël – 2010 – 218 pages