20.12.10

Alabama Song – Gilles Leroy


Nous voici réconcilié avec Gilles Leroy ! Après une première tentative, renouvelée, avec « Grandir » que nous avons franchement détesté, « Alabama Song » fut la bonne. Il est vrai que ce roman fut récompensé du Prix Goncourt en 2007, mais ceci n’est pas nécessairement le gage absolu d’un grand livre.

Avec « Alabama Song », Leroy se lance dans le genre roman historique fictif. Reposant sur l’étude attentive de la vie du romancier américain des années trente Scott Fitzgerald et de son épouse Zelda, Leroy échafaude la vie échevelée que fut celle de Zelda.

Dès son enfance, Zelda fut à part. Terriblement séduisante, elle représentait la tentation interdite absolue pour les hommes de l’époque : fille du juge puis du gouverneur de l’Etat d’Alabama, avant que ce dernier ne devienne Président de la Cour Suprême, elle était l’incarnation de l’establishment.

Une incarnation que son intrépidité, son caractère rebelle, sa folie (déjà car elle finit par l’emporter, accidentellement à quarante deux ans) a combattu de toute son énergie. Elle rencontra Scott du temps de la première guère mondiale alors qu’il était un séduisant officier américain, organisant le carnet de bal du général sur l’aéroport où cantonnait la troupe.

Elle crut en ses talents d’écrivain avant tous. Elle l’aida, le porta, l’épousa contre sa famille. Elle contribua à son succès fulgurant et devint, avec lui, l’égérie des années folles, se livrant à toutes les débauches possibles.

Mais la vie devint assez vite un enfer. Scott sombra dans l’alcoolisme, ce mal si américain et dans l’impuissance, lui qui n’était pas porté sur la chose.

Zelda dut trouver un nouveau sens à sa vie, tentant d’exister par et pour elle-même comme danseuse, comme écrivain puis comme peintre. Tentatives qui ne connurent pas le succès escompté et qui lui valurent de sombrer de plus en plus dans la dépression jusqu’à être internée de force par son époux après des querelles incessantes et de plus en plus violentes.

C’est cette spirale vers le néant que nous décrit avec précision, mécaniquement, Gilles Leroy. Une descente des plus hautes marches de la gloire vers la déchéance, l’oubli, l’abandon, l’argent fuyant lorsque les succès littéraires ne sont plus au rendez-vous. Une descente qui écrase tout sur son passage, qui broie l’amour, la santé mentale et physique, qui finit même par arracher de force une enfant à sa mère. Une descente qui révèle l’homosexualité latente de Scott, sa tyrannie, ses tricheries pour continuer d’exister un peu, littérairement parlant.

Bref, un livre poignant, vrai, bouleversant pour dire le destin tragique de deux des plus grandes gloires des années folles avant que la deuxième guerre mondiale n’emporte tout.

A lire absolument.

Publié aux Editions Mercure de France – 190 pages