5.3.11

Resplandy – Yves Bichet


Tout commence comme un improbable moment d’égarement. Bertrand, professeur d’arts plastiques sans ambitions particulières et sans histoire, vient de perdre son père dans un stupide accident de circulation. Alors qu’il a tout juste récupéré l’urne funéraire, à peine sortie de la crémation, il remarque une femme d’âge mûr qui elle aussi, vient de récupérer l’urne de sa mère.

Une attirance irrésistible le projette vers elle qui, loin de se refuser, l’attire à elle jusqu’à la consommation sexuelle, presque pulsionnelle. Une consommation qui s’achèvera par une incroyable scène de mélange des cendres funéraires entreprises avec détermination par Resplandy, cette amante déterminée d’un après-midi particulier.

Celle-ci disparue sans laisser de nouvelles, Bertrand n’aura de cesse que de partir à sa recherche en vue de comprendre chacun des gestes qu’il ne s’explique pas.

Dans un roman à tiroirs, Yves Bichet nous mène à son rythme volontairement lent pour appréhender les secrets familiaux qui peu à peu vont se révéler. Qui était vraiment ce père, cheminot apparemment anodin ? Qui est cette Resplandy et quel jeu mène-t-elle ? Comment un couple parvient-il à surmonter l’usure du temps, les petites infidélités ?

Ce roman est aussi et, surtout, au-delà de son intrigue vaguement policière car inquisitoriale, une réflexion à miroirs sur l’amour, l’attirance des corps, la puissance érotique de la nudité qui se voile dans l’ombre trompeuse de la nuit, la puissance destructrice de la passion.

Un roman qui donne une grande place aux femmes qui, finalement, mènent leur vie amoureuse à leur façon, n’hésitent pas à casser les codes, se montrent bien moins prudes que les hommes dont elles finissent par se jouer.

Il aura fallu la mort de la figure freudienne du père pour que les apparences tombent, pour que ce qui importe vraiment finisse par se révéler et s’imposer, pour découvrir ce que sont vraiment les épouses et mères ici souvent dissimulatrices et d’une grande force de caractère.

La fin inattendue nous laisse pantois, en forme d’un ultime pied de nez aux conventions, un rire moqueur glaçant de la part d’une femme qui, décidément, mène sa barque à sa façon sans se soucier de la part de destruction qu’elle porte en elle et qu’elle projette sur les hommes qu’elle manipule honteusement.

Certes le roman peine parfois à garder son cap, peut manquer ici ou là d’une densité. Il n’en reste pas moins très original et parfaitement recommandable en tant que tel.

Publié aux Editions Seuil – 2010 – 252 pages