23.4.11

Week-end de chasse à la mère – Geneviève BRISAC


Couronné par un Prix Femina en 1996, « Week-end de chasse à la mère » est un roman qu’il fait bon de ressortir des rayonnages.

G. Brisac a su manier à la perfection un style à la fois réfléchi, impertinent et souvent décalé pour décrire les affres de la solitude, la tentation qui existe pour les artistes, ceux, comme elle dit si bien, qui détiennent un « gène d’irréalité » après une épreuve, à s’isoler du monde réel, à voir ce qui n’existe pas aux yeux du reste du monde.

En alternant situations cocasses, expressions étonnantes de vérité placées dans la bouche d’un petit enfant subtil et qui vit sous l’emprise de sa mère, et réflexions profondes sur la faculté dont nous disposons à user de notre libre arbitre, l’auteur a su éviter le piège d’un roman qui aurait pu être désespéré.

Au contraire, il existe une spontanéité réjouissante, une dose d’impertinence dans l’observation de ce couple inhabituel (l’est-il vraiment au fond ?) que forme cette femme encore jeune et son jeune fils. La vérité sortant de la bouche des enfants, les propos d’Eugenio, le jeune garçon, donnent à sa mère, Nouk, à se voir telle qu’elle apparaît au monde. L’image d’une femme qui, pour contenir le manque d’un homme à aimer et compenser un divorce douloureux et incompris, déborde d’amour pour son fils, jusqu’à l’étouffer. L’image d’une femme qui se ferme aux autres et qui a le don pour tourner en catastrophe la moindre situation. L’image d’une mère présente physiquement et absente psychologiquement, fragile, prête à s’effondrer.

C’est aussi un petit monde à part, avec ses propres règles drôles, imaginatives et parfois violentes que nous appréhendons au fil des pages.

Nouk et Eugenio vivent dans un petit appartement parisien pudiquement décoré de lourds rideaux rouges. Nous sommes à quelques heures de Noël et Nouk n’a rien préparé : ni cadeaux, ni sapin, ni repas. Tout juste si Nouk a réalisé que c’était Noël enfermée qu’elle est dans ses propres problèmes, sans doute encore hantée d’un amour disparu et des tableaux qu’elle peignait et qui s’arrachaient une fortune avant qu’elle ne décide, brutalement, sans explication de ranger ses pinceaux.

Cet appartement renferme la difficulté même à savoir aimer sans arrière-pensée, sans danger, par le simple don de soi. D’ailleurs, le couple d’oiseaux, un mâle et une femelle, acheté sur la demande insistante d’Eugenio comme cadeau de Noël et immédiatement prénommé Adam et Eve, va lui-même illustrer ce drame de l’incompréhension, de l’impossibilité à partager à travers un quiproquo particulièrement amusant. Le cadeau, symbole de plaisir, deviendra, par un horrible malentendu, l’évidence du malheur, l’illustration que, décidément, Nouk est vouée à tout rater.

Heureusement, il y a Marthe, la marraine d’Eugenio, l’amie d’enfance de Nouk. C’est elle qui ramène, contre sa volonté, Nouk aux principes de réalité, qui la prend en main pour faire en sorte qu’elle existe par et pour elle-même en réapprenant à s’ouvrir au monde, à en voir la beauté et les opportunités. Marthe s’assume totalement. Lassée d’un mari routinier, elle redécouvre le plaisir des sens en s’adonnant à d’héroïques parties de jambes en l’air avec son amant et n’omet aucun détail à Nouk, cherchant ainsi à l’amener à en faire de même.

Autour de ce trio, le roman sera traversé de personnages drôles, bien trempés et qui donnent une luminosité, un rayon d’espoir à cette femme en souffrance, perdue, déroutée.

Il en ressort un roman articulé autour de toutes les nuances possibles de gris, fulguré de traits colorés et vivants, un livre douloureux mais surtout, une vraie perle à découvrir absolument.

Publié aux Editions de l’Olivier – 205 PAGES

21.4.11

Shell – Benoît Virole


Non ce n’est ni de la compagnie pétrolière, ni de coquillages qu’il est question dans ce roman, mais de mondes virtuels et de leur collusion avec le terrorisme.

Grâce à un scenario particulièrement figé, B. Virole nous entraine dans le monde des accros du jeu en ligne et des mondes merveilleusement conçus, au réalisme graphique souvent époustouflant, dans lesquels réel et virtuel finissent par s’interpénétrer.

Grâce à une bonne compréhension des mécanismes de ces jeux et une analyse assez bien réussie de l’hypnose qui peut s’emparer des joueurs en ligne, obsédés par la nécessité de conserver en vie leurs créations virtuelles sans cesse convoitées par les autres, B. Virolle réussit à nous interpeler sur les limites au-delà desquelles il devient dangereux de s’aventurer.

Là où ce livre franchit un cap c’est en imaginant que l’univers d’un monde virtuel pourrait, sans trop de difficultés, bien devenir le lieu réel de rencontres de djihadistes résolus à porter le monde occidental à feu et à sang. Une plateforme pour échanger en toute sécurité des informations indispensables à fomenter des actes terroristes.

A partir de là, un véritable thriller se met en route où guerres virtuelles, violence du jeu en ligne ne sont que le reflet de la guerre intense que se livrent terroristes et services de renseignement français et américain.

De ce point de vue, le livre est absolument frappant et nous remplit d’effroi. Car nous ne savons rien, au fond, de ce que ces univers totalement contrôlés par des créateurs géniaux recèlent en menaces ou trafics en tous genres. Il n’est pas rare de trouver sur les sites d’enchères en ligne des propositions concrètes où l’obtention de codes secrets, d’armes à la puissance destructrice considérable, de points de vie permet à un joueur quasi drogué de prolonger une vie artificielle, mais pour lui réelle car elle emplit la sienne propre jusqu’à la dévorer, de personnages virtuels. Des personnages qui sont l’expression plus ou moins consciente de la vie que l’on aurait rêvé d’avoir, de l’image que l’on souhaiterait projeter de soi, de la sublimation que la virtualisation permet enfin de réaliser, à distance et sous un contrôle relatif.

Un enfer du jeu qui oblige au recours de substituts chimiques pour tenir à tout prix, sans dormir, en se nourrissant à peine. Un enfer virtuel qui ronge le lien social et enferme le joueur dans une bulle isolée du monde réel.

Dommage que le propos, inventif et imaginatif mais fascinant de réalisme, soit desservi par une qualité littéraire tout à fait modeste, pour le moins que l’on puisse dire. Le roman en perd en impact, la puissance littéraire n’étant vraiment pas au rendez-vous.

A lire comme une curiosité instructive.

Publié aux Editions Hachette Littératures – 216 pages

16.4.11

Baisers de cinéma – Eric Fottorino


L’attribution d’un prix littéraire (en l’occurrence le Prix Femina 2007) est loin d’être le gage d’un livre passionnant et réussi. « Baisers de cinéma » pourra, le temps le dira, faire partie de ces exceptions à une règle souvent vérifiée.

C’est un livre très intime et très léché qu’a contocté Eric Fottorino. Un livre qui s’ouvre sur une citation d’Olivier Adam « Le sens caché de ma vie aura été de fuir un père présent et de chercher sans fin une mère disparue ». Une citation qui place parfaitement bien la thématique du roman.

Fils d’un célèbre photographe de cinéma qui a travaillé pour les plus grands réalisateurs des années cinquante à soixante dix et d’une mère qu’il n’a jamais connue et dont il ignore tout, le héros est un avocat un rien dilettante.

Son père vient de mourir et lui a laissé en héritage un studio bourré de souvenirs, de photos d’actrices célèbres et de carnets de tournage. Des morceaux de vie dont le personnage principal va s’efforcer de décoder le sens, de trouver la lumière, si capitale aux yeux de son père, éclairant un homme dont il ne sait rien et qui lui a toujours caché tout sur sa mère. Un homme qui aimait les femmes à la manière d’un Denner et d’un Truffaut, chers au cœur de l’auteur.

Mais ce roman est aussi et surtout l’histoire d’une passion amoureuse ravageuse avec une femme mystérieuse, traductrice à l’ONU, pianiste, ancien mannequin. Une femme mariée et mère d’un garçon, troublante, hésitante, difficile à conquérir et qui finira par céder au risque de se faire emporter. Une passion qui prendra du temps, car il faut vaincre des tabous, pour se matérialiser et tout détruire sur son passage cyclonique.

Une passion où la recherche de la mère au travers de l’amante est omniprésente. Une passion dont l’un des terrains d’assouvissement sera le studio du père, encombré des photos et des pellicules d’actrices toutes rêvées en mères idéalisées.

Construit sous la forme de chapitres pour l’essentiel très courts, à la manière d’un scenario de film, centré sur un tout petit nombre de personnages, le roman se déroule sur un rythme rapide et plonge au cœur des débats et des tempêtes qui agitent ce petit cosmos d’êtres en souffrance et en déshérence. On dirait une succession de plans larges travaillées et où l’action ainsi que les pensées qui agitent ces crânes sont mises en évidence par de sublimes zooms filmés en lumière tamisée.

Il faudra des ruptures douloureuses, des incendies des corps et des lieux pour apporter une réponse à la question centrale : qui est ma mère, qui fut réellement mon père.

A la fin de ce roman très personnel et réalisé en hommage à ceux qui furent les maîtres de la lumière d’un art fragile, une réponse aura été apportée aux prix de souffrances et de renoncements.

Ce n’est qu’à cette condition que le personnage central pourra alors tourner une page et commencer à se reconstruire. On y croit et cela pourrait ressembler à une autobiographie réelle.

Publié aux Editions Gallimard – 189 pages

15.4.11

Le trou dans le mur – Michel Tremblay


Ce grand auteur canadien d’expression francophone qu’est Michel Tremblay possède un don unique, touchant pour embarquer ses lecteurs dans des mondes en marge à la limite du rêve, du fantastique, de l’imaginaire. Un monde fait par et pour les marginaux de Montréal : les putes, les trans, les robineteux (les soiffards). Un monde souvent violent, cruel, dur et qui répond à ses propres lois.

François Laplante, que nous avions croisé dans « La cité dans l’œuf », a maintenant une petite soixantaine. Il vit seul, sans réel boulot, dans un immense appartement de sept pièces dans le plus beau quartier de Montréal. Il est dépressif et en proie à des délires qui l’ont conduit pendant une dizaine d’années en hôpital psychiatrique.

Voici qu’au détour d’une promenade à l’autre bout de la ville, il aperçoit une porte dérobée, à promixité de la « Main » (Main Street), le redlight (quartier chaud) de Montréal. Une porte visible par lui seul, une porte qui s’offre à lui et se refuse, au sens qu’elle n’existe pas, pour tous les autres passants.

Une fois cette porte poussée, François Laplante va se trouver confronté à un monde qui n’existe plus, à un passé révolu. Au sein d’une taverne sombre et humide dorment les fantômes de certaines des figures hautes en couleurs de la Main. Des ectoplasmes qui attendent l’improbable venue d’un mortel venu écouter leurs confessions avant de connaître le repos éternel.

A travers six de ces confessions touchantes et rédigées dans le français si cocasse et imagé du Québec, M. Tremblay nous entraine dans les petits et les grands malheurs des personnages de la Main.

Ce sont les petits, les sans-grades que nous allons écouter. Ceux que la vie a rejeté aux frontières de la société et qui doivent renoncer à tout espoir de reconnaissance ou de gloire. Ils sont souvent artistes ou bien prostitués. Ils ont toutes et tous dû renoncer à tout espoir de reconnaissance pour survivre sur la Main.

Ils ont tous souffert puis été assassinés par le terrible Tooth-pick qui faisait régner une terreur implacable sur son petit royaume jusqu’à se retrouver, à son tour, en barman forcé du bar de ces fantômes. Condamnés à les servir, à leur obéir après les avoir eus à ses ordres vingt ans durant.

Chacune des confessions est entrecoupée d’une réflexion de F. Laplanche sur la modification qu’elle entraine sur sa perception du monde réel. Car on ne ressort pas indemne de ces récits terrifiants, puissants, déchirants. En les libérant, c’est beaucoup de leurs peines, de leur vie de perdus que François reçoit en contrepartie.

Ce livre subtil, derrière une façade amusante, drolatique, s’achève sur une sublime réflexion cinématographique, intitulée « Huit et demi ». Un chapitre qui à lui seul mériterait les honneurs d’une revue littéraire.

A découvrir au plus vite.

Publié aux Editions Actes Sud – 240 pages

10.4.11

Naissance d’un pont – Maylis de Kerangal


Déjà, avec « Corniche Kennedy » (que nous avions beaucoup aimé et dont vous trouverez la note sur Cetalir), Maylis de Kerangal nous avait fait entendre sa petite musique personnelle. Déjà, des vertiges avec ces sauts de plus en plus périlleux d’adolescents défiant les dangers et les autorités. Déjà, un besoin de dépassement, de réalisation de la part d’êtres plus ou moins à la dérive et dont la réalisation nécessite l’apparition d’un chef charismatique et un peu brutal.

On retrouve pour beaucoup ces ingrédients dans « Naissance d’un pont » mais avec une ambition nettement plus marquée de la part de l’auteur qui a indéniablement gagné en autorité et en maturité littéraire.

Comme elle aime à l’expliquer dans les nombreuses interviews que l’obtention du Prix Médicis 2010 lui a permis de donner, ce qui a d’abord motivé son livre est le défi technique, à savoir la capacité à s’approprier le vocabulaire technique et la compréhension cohérente des grands principes de mécanique et de résistance de matériaux qui président à l’édification d’un ouvrage technique et titanesque tel que ce pont gigantesque dont il est ici question. Il semble que ce défi ait été atteint.

Mais de façon plus intéressante, derrière l’édification de ce pont construit dans la ville imaginaire de Coca, sorte de San Francisco mâtinée de Calgary et de Vancouver, grosse ville côtière en bordure d’une forêt dense autrefois peuplée de peuplades indiennes, c’est de la vie de celles et ceux qui sont au cœur de ce chantier fourmillant, infernal par ses défis techniques, démentiel par ses contraintes de temps, toujours à la limite du fait des tensions financières, dont il est question.

Ils sont venus en nombre de Seine Saint-Denis, d’Anchorage, de Detroit et de Paris, ils attirent à eux une main-d’œuvre locale prête à tout pour subsister et donner un sens à une vie d’exclus. Ils ont toutes et tous quelque chose à se prouver ou un secret, une tare à cacher au milieu d’une fourmilière où l’individu disparaît au profit du collectif.

Alors cette masse et cette manne attirent bien sûr son lot de profiteurs et de filles faciles, de tripots où exulter et exsuder son stress. La jalousie malveillante est aussi à l’œuvre de la part des profiteurs d’un temps passé que ce pont jeté entre deux rives comme un passage à l’ère moderne, une ouverture d’une ville jusqu’ici recluse vers l’ailleurs projette vers un avenir moins rieur. Souvent, les conflits s’y règlent à coups de poings ou de couteaux, à l’autorité naturelle d’un chef qui a passé sa vie sur les chantiers, qui jamais ne s’est fixé quelque part, toujours en quête d’un nouveau défi.

Tout cela nous est narré dans une langue survoltée, exaltée, d’une hyperbolique richesse, aussi titanesque que l’ouvrage qui peu à peu se déploie sous nos yeux ébahis. C’est la grande force, mais aussi parfois, il faut le reconnaître, la limite de ce roman envoûtant. On sent ici ou là l’auteur à la limite de sa maîtrise stylistique, comme trop préoccupée d’un effet littéraire en multipliant les dérivations, les mots rares, les images inattendues au point de rendre la lecture de certaines séquences peu fluides, presque incompréhensibles parfois. On le lui pardonnera cependant et la félicitera pour ce franchissement dans son œuvre, un pont vers la renommée littéraire.

Publié aux Editions Verticales – 2010 – 317 pages

9.4.11

Car – Harry Crews


Nous sommes aux Etats-Unis, plus précisément en Géorgie, cet Etat du Sud américain profond qu’affectionne si particulièrement H. Crews, lui-même natif de Géorgie.

Pour nous dépeindre les outrances de la société américaine, Crews imagine une famille un peu marginale. Le père, la fille et deux frères jumeaux tiennent la plus grande casse automobile de l’Etat. Un métier choisi par une vocation viscérale qui les lie à l’amour absolu, total, définitif de tout ce qui comporte au moins quatre roues et un gros moteur.

C’est en poètes qu’ils vont chercher les voitures accidentées et en rêveurs qu’ils les désossent et les réduisent à l’état de petits cubes destinés à être refondus. C’est avce le souci de réconforter qu’ils laissent les parents des victimes se recueillir sur la carcasse du véhicule d’un cher disparu.

C’est bien simple, le moindre geste de leur vie quotidienne les lie absolument à l’automobile. Même l’amour ne peut s’envisager que dans une voiture. Les scènes imaginées par Crews sur les lieux d’accidents terrifiants jonchés de victimes éventrées, décapitées ou tordues sont à ce titre hallucinantes.

Parée d’un fiancé officieux membre de la patrouille d’élite de l’autoroute, la jeune femme de la bande se laisse caresser et embrasser dans la puissante voiture de son flic timoré et éperdu. L’extase ne peut survenir que si elle est stimulée par un environnement cataclysmique entretenu par des propos qui mettent en avant les innombrables vertus de la voiture très spéciale du policier. Terrifiant et extraordinairement percutant au plan littéraire.

Dès lors, le fait que l’un des frères jumeaux décide de se faire connaître en mangeant une Ford Maverick flambant neuve n’aura rien d’étonnant.

A partir de là, H. Crews s’en donne à cœur joie et nous entraine dans une délicieuse comédie dramatique qui démonte les travers les plus insupportables de la société américaine.

La volonté envers et contre tout de s’enrichir, par tous les moyens, l’hyper-médiatisation du moindre événement qui sorte un tant soit peu de l’ordinaire, l’hypocrisie sexuelle, l’extrêmisme religieux sont autant de cibles férocement attaquées par un écrivain particulièrement en verve.

D’ailleurs, le roman lui-même emprunte les caractéristiques des shows à l’américaine. Procédés hyperboliques visant à dramatiser le moindre geste, volonté de prouver contre toute logique, féroce volonté de réussir, médiatisation permanente avec mise en scène pointilleuse de scènes vénérées par un public enragé sont autant de phénomènes mis en avant, course à l’enrichissement par tous les moyens possibles sont ainsi méthodiquement décortiqués.

Le tout en se moquant cruellement d’une société où la voiture tient souvent une part démesurément importante : trop grande, trop vorace, trop chère mais indispensable, intrinsèque à la vie sociale de tout Américain. Une voiture tellement désirée qu’elle en vient à presque tenir le rôle d’un membre de la famille et à dévorer son propriétaire inféodé.

On se réjouit à la lecture de ce pamphlet jouissif et excessif et on en redemanderait bien !

Vivement recommandé par Cetalir.

Publié aux Editions Gallimard – 207 pages

1.4.11

Quatrième chronique du règne de Nicolas Ier – P. Rambaud


Chaque année, nous attendons avec délectation la livraison des chroniques de notre Académicien. Il faut dire que la conduite en souplesse des affaires par notre Auguste Souverain Elyséen, son style tout en douceur, son absence totale d’égocentrisme, son écoute infaillible du bas peuple permettent de se livrer à un exercice littéraire à la saveur incomparable.

2010 fut, à ce titre, un crû exceptionnel. Rappelez-vous.

Un procès plein d’amabilités entre un ex Premier Ministre promis à être pendu à un croc de boucher et le Grand Inquisiteur lui-même avec à la clé, une tribune d’expression à l’audimat incomparable pour la victime d’autant qu’elle fut totalement blanchie.

Un couple présidentiel qui bat, déjà, de l’aile, le Grand Homme ayant jeté son dévolu sur une Secrétaire d’Etat sportive, délaissant l’insondable Carla pourtant épousée à grandes déclarations d’amour trois ans plus tôt.

Une tentative de coup d’état avec l’imposition népotique, heureusement avortée grâce à la rébellion populaire, d’un fils à la tête de la pompe à finances qu’est l’EPAD. Un fils qui visiblement a hérité de l’audace paternelle et dont les ambitions le pousseront, à n’en point douter, à moultes trahisons.

Une réforme des retraites qui mit des millions de personnes dans la rue, paralysa l’activité économique, remit en selle un PS qui allait à vau-l’eau.

Une affaire Woerth-Bettencourt aux relents d’une pièce fétide de Feydeau où un majordome joue les traîtres et les enregistrements secrets menacent de faire tomber la République tout en illustrant l’abus manifeste d’un gigolo qui n’a pas froid aux yeux, déjà spécialisé dans le dépouillement des veilles femmes n’ayant plus tout à fait leur tête.

Un Ministre du Budget puis des Affaires Sociales éclaboussé méchamment par une sombre affaire de vente au rabais d’un hippodrome et d’une écurie de chevaux et douché par la révélation qu’il sut imposer sa femme auprès du conseil de Mme Bettencourt. Un Ministre tellement plombé par ces affaires qu’il dut se retirer la queue basse.

Un Empereur sauveur du monde qui vole de sommets en sommets se croyant l’égal des plus grands quand il n’est, bien souvent, que leur jouet ou leur faire-valoir. Mais tellement aveugle qu’il ne s’en rend pas compte quand le monde entier en rit.

Un débat sur l’identité nationale qui pue les caniveaux d’extrême-droite, monte la majorité politique contre le Souverain Eclairé enfermé dans son autisme au point de ne pas voir qu’il court à sa perte.

Imaginez ce qu’une plume aussi habile et trempée dans l’acide comme celle de Mr Rambaud peut en tirer. Une pure jouissance !

Et pour plagier l’auteur, « A suivre, malheureusement… »

Publié aux Editions Grasset – 2011 – 175 pages