16.4.11

Baisers de cinéma – Eric Fottorino


L’attribution d’un prix littéraire (en l’occurrence le Prix Femina 2007) est loin d’être le gage d’un livre passionnant et réussi. « Baisers de cinéma » pourra, le temps le dira, faire partie de ces exceptions à une règle souvent vérifiée.

C’est un livre très intime et très léché qu’a contocté Eric Fottorino. Un livre qui s’ouvre sur une citation d’Olivier Adam « Le sens caché de ma vie aura été de fuir un père présent et de chercher sans fin une mère disparue ». Une citation qui place parfaitement bien la thématique du roman.

Fils d’un célèbre photographe de cinéma qui a travaillé pour les plus grands réalisateurs des années cinquante à soixante dix et d’une mère qu’il n’a jamais connue et dont il ignore tout, le héros est un avocat un rien dilettante.

Son père vient de mourir et lui a laissé en héritage un studio bourré de souvenirs, de photos d’actrices célèbres et de carnets de tournage. Des morceaux de vie dont le personnage principal va s’efforcer de décoder le sens, de trouver la lumière, si capitale aux yeux de son père, éclairant un homme dont il ne sait rien et qui lui a toujours caché tout sur sa mère. Un homme qui aimait les femmes à la manière d’un Denner et d’un Truffaut, chers au cœur de l’auteur.

Mais ce roman est aussi et surtout l’histoire d’une passion amoureuse ravageuse avec une femme mystérieuse, traductrice à l’ONU, pianiste, ancien mannequin. Une femme mariée et mère d’un garçon, troublante, hésitante, difficile à conquérir et qui finira par céder au risque de se faire emporter. Une passion qui prendra du temps, car il faut vaincre des tabous, pour se matérialiser et tout détruire sur son passage cyclonique.

Une passion où la recherche de la mère au travers de l’amante est omniprésente. Une passion dont l’un des terrains d’assouvissement sera le studio du père, encombré des photos et des pellicules d’actrices toutes rêvées en mères idéalisées.

Construit sous la forme de chapitres pour l’essentiel très courts, à la manière d’un scenario de film, centré sur un tout petit nombre de personnages, le roman se déroule sur un rythme rapide et plonge au cœur des débats et des tempêtes qui agitent ce petit cosmos d’êtres en souffrance et en déshérence. On dirait une succession de plans larges travaillées et où l’action ainsi que les pensées qui agitent ces crânes sont mises en évidence par de sublimes zooms filmés en lumière tamisée.

Il faudra des ruptures douloureuses, des incendies des corps et des lieux pour apporter une réponse à la question centrale : qui est ma mère, qui fut réellement mon père.

A la fin de ce roman très personnel et réalisé en hommage à ceux qui furent les maîtres de la lumière d’un art fragile, une réponse aura été apportée aux prix de souffrances et de renoncements.

Ce n’est qu’à cette condition que le personnage central pourra alors tourner une page et commencer à se reconstruire. On y croit et cela pourrait ressembler à une autobiographie réelle.

Publié aux Editions Gallimard – 189 pages