4.5.11

Sommeil – Haruki Murakami


Voici une réédition dans une édition luxueuse, alternant un texte édité sur un beau papier épais glacé avec des dessins envoûtants et oniriques dans une harmonie de noir et d’argent, de cette nouvelle de Murakami, parue pour la première fois en 1990, en même temps que « La course au mouton sauvage ».

On retrouve d’ailleurs dans la nouvelle une séquence essentielle présente dans le roman contemporain, celle dans laquelle le personnage principal, ici une femme, un jeune homme dans le roman, pris d’insomnie, emprunte sa voiture et tente de s’endormir dans un coin peu sécurisé de Tokyo bientôt alerté(e) par un policier lui demandant gentiment de déguerpir.

Murakami est le maître de l’étrange, des récits qui se situent à la limite de mondes parallèles, en fragile équilibre entre le réel, le rêve et le phantasme, l’un s’alimentant sans cesse des autres.

Ici, sur ce qui deviendra un quasi principe d’écriture du grand écrivain dans ses romans postérieurs, l’histoire démarre de façon presque banale. Une jeune femme d’une trentaine d’années, de bonne éducation, mariée à un homme qu’elle aime, mère d’un petit garçon, installée dans son couple et dans sa vie se livre à ses activités presque routinières. Cuisine, ménage, courses et trente minutes quotidiennes à la piscine. Mais surgit l’insomnie, invincible, plus forte que tout. Une insomnie indomptable et qui procure bizarrement une énergie, une ouverture d’esprit, une faculté de réflexion incommensurablement plus grandes qu’avant d’autant qu’elle s’installe longuement.

Commence alors une vie parallèle, la nuit, une modification des habitudes le jour dont ni le mari ni l’enfant ne se rendent compte car c’est essentiellement à la lecture avide d’Anna Karénine que la jeune femme se livre pendant dix-sept nuits d’affilée. Jusqu’à ce que tout bascule, soit parce que la réalité est brutale, soit parce que le rêve s’achève, soit parce que le phantasme atteint son paroxysme. A chacun d’y trouver l’explication qui lui convient.

Magnifique !

Publié aux Editions Belfond – 2010 – 78 pages