17.2.12

Sans moi – Marie Desplechin



Publié en 1998, ce livre, son deuxième roman, fit sortir son auteur, Marie Desplechin, du monde du journalisme et de l’écriture de livres pour enfants pour la propulser dans celui des auteurs de roman à succès. Son roman fut ensuite adapté au cinéma, sous le même titre, en 2007 par Olivier Planchot.

Une jeune femme divorcée, mère de deux enfants, Thomas et Suzanne, est à la recherche d’une baby-sitter. Son métier consiste à adapter, pour des agences de communication ou en free-lance, divers écrits du monde de la politique, de la finance ou autre jet-set pour leur donner une tournure littéraire acceptable. Tout est dans le sens de la formule en se gardant bien de porter un jugement au fond. Un travail d’abattage où ses convictions ne comptent pas. Un boulot qui, surtout, rapporte.

Débarque Olivia, une jeune femme extravertie, sympathique et qui établit immédiatement un contact sincère avec les enfants. Olivia s’installe dans la chambre de bonne du grand appartement parisien mais va rapidement s’imposer à toute la famille.

Olivia est une ex fille de la rue, une toxicomane, une enfant de la DDASS dont la fragilité, la souffrance et les épreuves vont peu à peu nous être révélées. Malgré ce qu’elle a subi, malgré les internements en hôpital psychiatrique, Olivia est une sorte de sainte incapable de haïr. Une sainte qui a un rapport décomplexé au sexe puisque les viols à répétition et en bande furent son quotidien d’enfant et d’adolescente. Cette vie rude et violente sera révélée au fur et à mesure que la confiance réciproque s’établit et qu’Olivia devient indispensable.

Que faire pour notre femme divorcée, un peu à la dérive, débordée par son travail, trahie par ses mecs, sans cesse entre rupture et réconciliation, recherchant sans cesse de nouveaux boulots pour joindre les deux bouts et payer un loyer trop onéreux pour les moyens dont elle dispose ?

Jusqu’où accepter les mensonges d’Olivia, son sans-gêne, sa prise de possession d’un territoire et son emprise sur les enfants sans se renier soi-même ? Comment aider l’autre à se reconstruire quand, pour soi-même, la dépression guette et finit par vous projeter dans une spirale dont il est impossible de sortir seule ?
Ce sont là les thèmes abordés par ce roman furieusement moderne et qui pose, crûment, des problèmes de son temps. Un roman sur la morale contemporaine, sur la place qu’on accorde à ses propres valeurs, sur les limites de la tolérance.

Marie Desplechin nous apportera une réponse qu’il nous appartient, ou non, d’accepter. Sans poncif, sans chercher à convaincre à tout prix car la force du récit tient dans l’exposition brute des faits, sans concession aux bonnes mœurs aucune. Un roman souvent crû comme l’exposition de la torpide réalité peut l’être.

Alors, on pourra déplorer une écriture un peu complaisante, une certaine facilité littéraire, tendance journalistique. C’est sans doute ce qui fit le succès de ce roman qui n’a pas trop mal vieilli.

Publié aux Editions de l’Olivier – 252 pages