28.5.12

Des néons sous la mer – Frédéric Ciriez



Les bons cocktails sont ceux qui associent les saveurs et ingrédients complémentaires ou surprenant dans des proportions idéales.

Prenez un tiers de parodie d’étude socio-économique d’un microcosme spécifique et aux plaisirs tarifés, ajoutez-y un zeste de pseudo-références à de savants ouvrages réservés aux rats de bibliothèque, versez progressivement et continûment une grosse dose d’humour et de facétie, ajoutez un immense talent, secouez, secouez et vous obtenez un livre désopilant,  à mourir de rire, d’une savante construction qui se joue des pires figures d’équilibrisme classique, bref un vrai petit chef-d’œuvre qui révèle un nouveau talent littéraire.

Le thème est en soi d’une impertinente cocasserie qui donne immédiatement le ton décalé entretenu derrière une façade d’étude à la méthodologie scientifique et mûrement réfléchie. Foutaises bien entendu, faites pour perdre et réjouir un lecteur qui s’amuse comme un fou.

La Marine Nationale a décidé de se défaire de l’un de ses anciens fleurons submersibles en se débarrassant du sous-marin lance-torpilles « Le Fascinant ». Un sous-marin voué aux gémonies par les débordements sodomites et érotiques qu’il ne manquait pas de susciter sur les vagues de matelots embarqués.

Quelle meilleure idée que de transformer alors ce long fuseau noir de cent vingt mètres au sens si particulièrement phallique en un bordel de deuxième catégorie (bien entretenu, propre, idéal pour la moyenne bourgeoisie locale) du port de Paimpol. Un sous-marin dont l’intérieur est repeint en rose et dont l’enseigne lumineuse clignote toutes les sept secondes pour attirer comme des insectes les agriculteurs, notaires, petits commerçants ou touristes vernaculaires.

Car nous sommes en 2011 et la République a enfin décidé de reconnaître d’utilité lubrique, pardon publique, les maisons closes. Voici né l’Olaimp « anagramme approximative de Paimpol ». Un bordel à part qui accueille en son sein, c’est le cas de le dire, douze péripatéticiennes, tel(le)s douze apôtres du stupre, idoles du foutre, spécialistes de tout ce qu’il manque à la maison.

C’est là qu’échoue, recruté par petite annonce, « Beau Vestiaire », indépendant et sociologue à sex, pardon ses,  heures et qui va nous conter par le menu la vie des Olaimpiennes, nymphes portuaires de la côte d’Emeraude.

Grâce à une langue haute en couleurs, aussi luisante que les vulves des hôtesses, grâce à la manipulation brillante de concepts dont l’auteur se joue avec un malin plaisir, grâce encore à l’extraordinaire tendresse qu’il sait nous faire éprouver pour son petit monde de désespérées associées en coopérative du plaisir, ce livre est une authentique réussite, aussi attirante que son enseigne à néons roses dans la nuit du port de Paimpol.

Précipitez-y vous (à Paimpol aussi si vous le souhaitez…) !

Publié aux Editions Verticales Phase deux – 300 pages