15.9.12

Les accommodements raisonnables – Jean-Paul Dubois



Oui, nous aimons beaucoup Jean-Paul Dubois sur Cetalir. Nous l’aimons pour son humour souvent grinçant, son écriture habile parfois légère mais le plus souvent bien travaillée, voire noire, et nous l’aimons pour son chef-d’œuvre « Hommes entre eux ».

C’est pourquoi nous lui pardonnerons « Les accommodements raisonnables » qui se situe à un cran nettement inférieur que ses trois dernières publications même s’il en résulte un livre agréable à lire.
Comme presque toujours chez JP. Dubois, le roman se situe à cheval entre la région de Toulouse et les Etats-Unis, ici Hollywood, la Californie n’étant pas la région américaine que l’auteur affectionne normalement. Comme toujours chez l’auteur, le rapport au père sort de toute norme, le père se posant finalement en une énigme bizarre, inattendue et fondamentalement impossible à supporter. Et comme souvent chez Dubois, nous retrouvons un clin d’œil à une production précédente (ici « La vie me fait peur ») puisque Paul, le narrateur, figure transposé de l’auteur, a épousé Anna, la fille d’un espagnol fondateur d’une société de tondeuses à gazon qui porte le même nom que dans le précédent roman mais provient d’une toute autre origine.

Le livre s’ouvre sur une incontestable réussite littéraire, un petit bijou d’humour noir. Charles, le frère du père de Paul, Alexandre, vient de mourir d’une crise cardiaque dans le siège luxueux d’un coupé Mercedes au moment de l’acheter dans une concession. Charles et Alexandre se sont détestés toute leur vie. Charles fut un homme d’affaires féroce alors qu’Alexandre fut un papiste apparemment introverti. La crémation de Charles se transforme, sous la plume aiguisée de l’auteur, en un moment de ballet comique qui donne l’occasion à Alexandre de se venger une dernière fois de ce frère honni.

Parce que Paul va peu à peu découvrir l’homme véritable qui se cachait sous les apparences d’un père dissimulateur et parce qu’Anna sombre dans une dépression grave qui la conduit à un internement psychiatrique, Paul accepte de partir jouer les script-doctors d’un film minable à la Paramount.
Sur place, il découvre la férocité de l’Amérique, ses injustices radicales, ses règles du jeu. Il y découvre surtout, Selma Chantz, executive assistant du producteur pour lequel Paul travaille, qui se révèle le sosie parfait, trente ans plus jeune, qu’Anna.

C’est sur cette base que Dubois va développer son roman qui lui donne l’occasion de s’en donner à cœur joie contre les mœurs dépravées du show-biz, la tristesse et l’angoisse inhérentes à une vie de paillettes, les ravages de l’alcool et de la drogue. Un roman qui, par la bouche du père qui ne cesse de réveiller son fils en l’appelant au téléphone en pleine nuit, brocarde allègrement Sarkozy et le monde politique français.

Grâce à cette distance qui aplanit les problèmes familiaux de Paul, celui-ci va se reconstruire, accepter le vrai père qui va se dévoiler impudiquement et accepter la femme que son épouse est devenue tout en entretenant une passion ravageuse avec Shelma. C’est ce parcours chaotique, entrecroisé entre des figures qui sont différentes de l’image que Paul en a, qui va constituer la catharsis de l’homme mûr qu’est devenu Paul.

Il y a une réelle émotion dans le soin que Paul apporte à transformer un scenario minable en une œuvre digne d’être tournée par un réalisateur abandonné depuis longtemps, devenu peu à peu confident et ami et à qui il va ainsi redonner vie. C’est ce qui donne un côté humain à un roman par ailleurs féroce.
On sourit souvent, on savoure avec plaisir un roman sympathique et qui fait passer un bon moment, mais on reste sur sa faim, honnêtement.

Publié aux Editions de l’Olivier – 261 pages