31.1.13

Love, etc... - Julian Barnes


Le triangle amoureux a donné lieu à bien des romans et des pièces de théâtre. Pourtant, comme Barnes ne fait jamais rien comme les autres, il réussit à faire de cet archétype un véritable petit bijou de férocité, aussi drôle que terriblement lucide et qui dit beaucoup sur la complexité des relations humaines. On s’y amuse beaucoup malgré les coups bas et les erreurs à répétition dans lesquels les personnages imaginés par l’auteur se débattent.
Stuart, banquier sans envergure et trentenaire sans autre qualité que sa loyauté à toute épreuve, son souci des autres, sa ponctualité et son côté a priori fondamentalement prévisible et tranquille a décidé de mettre fin à sa vie de célibataire un peu terne. Par le biais d’une petite annonce et d’un club de rencontres, il fait la connaissance de Gillian, désormais restauratrice de tableaux, qui elle aussi cherche à se caser. Stuart la trouve attirante et à son goût ; elle le trouve rassurant et charmant par ses attentions. Ils vont donc décider de se marier, histoire de se ranger, se convainquant d’un amour réciproque inaltérable et réel. Oliver, l’ami d’enfance de Stuart, est le compère de toujours de ce dernier. C’est un être instable, brillant mais possédant un talent certain pour se fourrer dans des situations embarrassantes et inextricables. Un peu surpris de ce mariage, il va devenir le chien dans un jeu de quilles lorsque, subitement, le jour des noces il va tomber éperdument amoureux de Gillian. Commencera alors un jeu de séduction, dans le dos de Stuart, n’ayant d’autre but que de pousser Gillian à divorcer pour l’épouser lui.
Sur ce thème classique, Barnes prend le parti de nous donner lecture de ce qui se passe par une succession de courtes notes, un peu à la manière d’un journal intime ou d’un carnet d’observations, où chacun des protagonistes, complétés ponctuellement de personnages tiers secondaires qui font part de leurs propos de façon en général aussi décalée qu’hilarante, va livrer son point de vue, ses interrogations ou ses stratagèmes en vue d’arriver à ses fins. Car, bien entendu, tous finiront par devenir des arroseurs arrosés d’un jeu pervers où tout le monde est perdant. La vie n’est jamais simple n’est-ce-pas …
Du coup, les drames parallèles qui se déroulent sous nos yeux prennent un caractère éminemment sympathiques et drolatiques du fait de la confrontation brutale des a priori, des tactiques des uns et de la perception de ce qui se passe ou se trame par les autres, tout le monde finissant par manipuler tout le monde. L’amour mène le monde y compris jusqu’à sa perte semble nous dire, en nous dévoilant le dessous des cartes truquées, un Barnes au meilleur de sa forme.

Publié aux Editions Denoël – 1991 – 314 pages