18.3.13

Terre somnambule – Mia Couto


 
C’est avec « Terre Somnambule », son premier roman, que l’auteur angolais d’expression portugaise Mia Couto allait se faire connaître. Un roman qui força l’admiration. Un livre à la fois typiquement africain et profondément poétique.

En pleine guerre civile, deux personnages cheminent sur une route. On ne sait d’où ils viennent et ils ignorent où ils vont. Ils sont l’expression symbolique de ce peuple chassé de ses terres, victimes systématiques de toute guerre. Sur cette route qui semble s’effacer au fur et à mesure qu’ils progressent, ils s’arrêtent dans un bus calciné et rempli de cadavres d’hommes et de femmes qui viennent d’être exécutés sans raison. Dans une valise se trouvent des cahiers, ceux écrits par un homme abattu comme un chien et gisant dehors, et dont le plus jeune de ce couple d’hommes en errance, seul capable de lire, entreprend la lecture à haute voix.
Commence alors un récit typique de l’Afrique fait de personnages qui surgissent aussi vite qu’ils disparaissent ou réapparaissent quelque temps plus tard, chacun étant le prétexte à une nouvelle histoire qui s’imbrique dans la précédente pour finir par former une gigantesque poupée russe littéraire. Afrique oblige, la rationalité n’a aucune mise ici. Tout est affaire de magie, de croyances ou de fables qui remontent à la nuit des temps. Tout est prétexte à laisser la plume prolixe de Mia Couto glisser, déchaînant une langue épique et flamboyante, aussi chamoisée que la multitude de personnages qui surgissent à faire pâlir le plus inventif et poétique des griots.

Il faut se laisser prendre par la main sans chercher ni vraisemblance ni linéarité dans un récit qui dépeint les souffrances et les joies humaines et dont de nombreux épisodes sont l’écho romanesque de tous ces destins broyés par une guerre dont on ne voyait pas la fin. A ce titre, le roman a un caractère de quasi permanence tant les guerres ne cesseront jamais en particulier sur ce continent qui n’en est pas avare.
Les images conçues par Mia Couto sont d’une beauté à couper le souffle et la langue d’une insondable beauté. Voici un roman poème à savourer comme tel. Une grande leçon de littérature.

Publié aux Editions Albin Michel – 1994 – 251 pages