28.2.14

Docteur Sleep – Stephen King


Voilà quarante ans que Stephen King y pensait, avec plus ou moins de constance jusqu’à ce qu’il soit interpelé par un lecteur-fan lui demandant quand on aurait des nouvelles de Dan Torrance, le fils miraculeusement réchappé de l’incendie du terrifiant Overlook Hotel de Shining, son roman culte.
Alors l’auteur à succès nous apporte enfin une réponse assez magistrale avec Docteur Sleep. Il ne s’agit en aucun cas de revisiter Shining, ni de le transposer dans une Amérique plus tardive et encore plus décatie et décadente mais au contraire de donner à voir comment on s’en sort, devenu adulte, quand, enfant, on a subi la violence d’un père alcoolique, qu’on a assisté à des scènes horrifiques et que l’on a été hanté par le Don, celui de voir ce que les autres n’aperçoivent pas, de pouvoir communiquer à distance et avec l’au-delà, celui de la prémonition aussi.

Dan, pendant des années, a apporté une réponse familiale à ces questions : la plongée dans l’alcoolisme pour endormir le Don, s’abrutir quitte à ne cesser de hanter les routes, délaissant un emploi précaire pour un autre plus loin, couchant au hasard avec des filles ramassées dans des bars douteux au moins aussi paumées que lui. Du moins jusqu’au dégoût, jusqu’à une expérience insupportable le reconnectant au passé qu’il cherche à fuir et qui le poussera à se reprendre en main, à sortir d’une autodestruction garantie.

Pour cela, il faudra une rencontre. Ce sera celle d’un vieux train touristique et de son conducteur, le vieux Billy, qui tout de suite, décide de faire confiance car il sait vaguement détecter le personnage qui se cache derrière l’apparence de Dan. Et celle du responsable technique de la mairie d’une petite bourgade de la Nouvelle-Angleterre, lui-même ancien alcoolique et qui aura tôt fait de prendre Dan sous sa coupe et de le mettre entre les mains bienveillantes des Alcooliques Anonymes.

Alors Dan réapprendra peu à peu, difficilement, à devenir un humain. Oh, pas comme les autres car il a le Don mais, désormais, il en fait usage essentiellement pour aider les malades en phase terminale dans l’hospice où il travaille à plonger dans le grand sommeil définitif, à les calmer face à l’angoisse de la mort imminente. D’où son surnom : Docteur Sleep.

Pendant longtemps, le roman de King nous donne ainsi surtout à voir un parcours qui fut familier à l’auteur. Celui d’un ancien alcoolique hanté, de son combat face au démon, de sa lutte pour ne pas sombrer à nouveau avant de trouver une lente réinsertion.

Du moins si l’on fait abstraction – difficilement - des quelques connexions qui s’établissent ici et là entre Dan et une certaine Abra, une toute jeune enfant qui elle aussi possède le Don mais à une puissance insoupçonnée et qui, dès sa naissance, va établir un contact qui ne va cesser de se renforcer avec Dan.

Alors, peu à peu, de façon haletante, progressive et délicieusement manipulatrice, King va nous faire basculer du champ du roman social à celui de l’horreur, de la violence et du Mal, nous projetant dans un monde où d’apparents innocents vieillards passant leur vie en camping-cars sont en fait un rassemblement de « démons vides », sortes de vampires qui traversent les siècles en se nourrissant du Don des enfants qu’ils repèrent, traquent, enlèvent, torturent et tuent.

Commencera alors une chasse à mort entre deux êtres en marge, Abra devenue une adolescente déterminée et Dan décidé à en finir avec le reste de son passé, et une horde vampirique prête à tout.

A titre tout à fait personnel, n’étant que très moyennement amateur de fantastique, cette deuxième partie et surtout la fin du roman m’ont laissé un peu sur la touche du fait d’une accumulation d’effets spéciaux et de circonstances peu vraisemblables. Les habitués du genre y trouveront assurément leur compte.

Il n’en reste pas moins que Stephen King nous livre un nouveau grand roman qui saura vous captiver pour quelques heures. Attention, une fois commencé, difficile de le lâcher !


Publié aux Editions Albin Michel – 2013 – 587 pages

18.2.14

Canada – Richard Ford


Peut-on vivre heureux quand, encore adolescent, on a traversé une situation des plus traumatisantes, inexplicable et qui donne un tournant irréversible à sa vie ? C’est la question centrale du dernier roman de l’écrivain américain Richard Ford qui tente d’y donner une réponse esquissée, aux bordures incertaines, laissant au fond au lecteur le soin, lui aussi après tout comme les protagonistes de sa fiction, de se débrouiller avec les conclusions à tirer.
Jusque-là, la vie des deux jumeaux Dell (le garçon) et Berner (la fille) âgés de quinze ans, s’était déroulée sans fait marquant. Certes, leurs parents semblaient mal assortis mais comme dans tant de couples. Certes, ils vivaient une existence modeste et un peu en marge mais rien de suffisant en soi pour provoquer un drame.
Or, de drame, il sera immédiatement question et sans la moindre ambiguïté, puisque, dès les premières lignes, le narrateur, Dell, cinquante ans plus tard, déclare qu’il va nous parler de ses parents devenus braqueurs de banque et des meurtres qui s’en suivront quelque temps plus tard.
Du coup, Ford nous entraîne dans un récit en trois parties clairement distinctes, comme autant de tentatives d’explications à ce qui a pu motiver le geste insoupçonné et fou de parents prêts à se fourrer dans le pétrin jusqu’au cou, aux stratégies prises par les enfants pour survivre, une fois le père et la mère mis sous les verrous, leur hold-up commis, mal préparé avec le sentiment, pour le père, de passer inévitablement inaperçu parce qu’ayant une allure simplement normale !
Dans la première partie qui occupe aussi l’essentiel de l’ouvrage, Dell raconte les évènements qui vont immédiatement précéder et suivre le geste criminel. On y découvre l’instabilité totale du père, ex officier pilote bombardier de l’US Air Force, désormais retraité de l’armée et toujours prêt à entrer dans des plans foireux, incapable de se comporter en adulte responsable, comptant sur l’Etat pour régler tous les problèmes, y compris ceux qu’il aura directement contribué à fabriquer. Une mère juive, un peu chétive, vaguement institutrice, tentant de raisonner un mari qu’elle n’aime plus avant que de capituler en ayant la quasi-certitude que tout tournera mal. Face à des parents immatures, face à un drame qu’ils sentent monter, aux menaces et aux pressions qui augmentent et qui finiront par pousser le père à se lancer dans une aventure fatale, quelle attitude prendre ? Robert Ford sait rendre ce cocktail d’angoisse et de questionnements, de stupeur puis de gestes presque fous comme autant de mécanismes mis en œuvre pour que les deux adolescents composent avec un monde qui vient de s’écrouler, livrés un temps à eux-mêmes.
La deuxième partie est consacrée à la nouvelle vie de Dell exilé dans un campement infâme perdu au milieu de nulle part au Canada. C’est là qu’il fut conduit par une vague tante contactée par la mère dans un ultime geste de lucidité, tandis que sa sœur fuguait de son côté vers la Californie. Hébergé par un oncle dandy et étrange, il sera confronté de près à toutes les bizarreries du monde des adultes, à leurs mensonges, leurs dissimulations, leurs manipulations, leurs manigances, petites combines et gros travers. Jusqu’à devenir le complice indirect et involontaire de meurtres, ultime épreuve qui lui permettra de se libérer et de trouver sa propre voie.
La dernière partie, très courte, nous donne à voir comment frère et sœur se sont débrouillés avec cette adolescence brisée trop tôt, cette succession de malheurs. Lui s’est reconstruit mais avec de profondes cicatrices. Elle aura gâché sa vie, l’usant par tous les bouts. Comme un écho romanesque condensé pour dire l’abîme de vies brisées que des centaines de pages comme autant de tentatives d’explications qui précèdent n’auront pas réussi à combler. Une dissymétrie voulue mettant en évidence des vies qui tiennent sur un câble tendu au-dessus du vide avec la crainte permanente de tomber et le sentiment de n’être nulle part.
Ce qui frappe tout au long de cet épais roman, c’est la fêlure que l’on sent vivace, omniprésente chez Dell. De violence point, mais une insidieuse perturbation, un accommodement vital avec un certain sentiment de culpabilité, un rejet des parents qui se traduit sans doute par le besoin inconscient de ne pas avoir d’enfants, histoire pour les jumeaux de mettre un terme définitif à une lignée indigne. Rien de cela n’est jamais vraiment exprimé, simplement suggéré comme un grand mal incurable avec lequel il faudra composer, toute sa vie durant.
Sans être le livre majeur de Ford, Canada n’en est pas moins un roman dérangeant, sombre dont on sent bien qu’il pourrait donner lieu à une belle version cinématographique. Un livre auquel on ne peut rester indifférent et qui interpelle.


Publié aux Editions de l’Olivier – 736 pages

15.2.14

La cuisinière d’Himmler – Franz Olivier Gisbert


FOG possède l’indéniable talent de tenir ses lecteurs en haleine. Et d’haleine, il est bien ici question d’ailleurs car Rose ne supporte pas les bouches pestilentielles  dont l’origine est à trouver dans une alimentation inappropriée aux organismes qui les absorbent. Alors, Rose les soigne avec ce qu’elle sait faire de mieux, une cuisine saine et équilibrée, faite d’aliments naturels et de concoctions de ses œuvres. Parfois, ce sera, par la force des choses, le concours des circonstances et les grands bouleversements des guerres qui rythment les siècles des personnages anodins. Mais le plus souvent, c’est aux puissants qu’elle servira ses secrets qu’elle entreprend de confier et de révéler par le truchement du journal de ses mémoires.

Car Rose est centenaire. Encore vaillante, elle ne se déplace jamais sans son Glock, prête à farcir de plomb celui qui aurait la malencontreuse idée de venir la titiller ou l’agresser. Car Rose aura tout connu, jouet de l’Histoire, poupée symbolique qui aura parcouru le monde tout au long du siècle le plus fou, le plus meurtrier de toute l’humanité.

Arménienne, Rose aura vécu le génocide, le massacre quasiment sous ses yeux de toute sa famille. Unique survivante, elle ne devra de rester vivante qu’à sa beauté qui fera d’elle une esclave sexuelle bien qu’encore impubère. Ayant trouvé le courage et la possibilité de s’enfuir, elle connaîtra une existence extraordinaire qui la fera côtoyer les pires salauds du siècle dernier, les anonymes pervers comme ceux qui peuplent les livres d’Histoire : les Mao, Hitler, Himmler et autres tyrans sanguinaires et despotiques.

Son obsession sera de jouir de la vie, d’en profiter, sans jamais oublier de se venger dès que les circonstances le permettent, quitte à longuement attendre son heure, de celles et ceux qui l’auront à jamais séparée des siens, des êtres qui lui étaient chers. Car Rose est tenace, opiniâtre, déterminée et rusée. Et elle sait se faire oublier, passer à travers les mailles du filet, s’adapter aux pires circonstances pour mieux rouler dans la farine de ses petits plats mitonnés les grands et les petits qui s’y laisseront prendre.

Tout cela est truculent, impertinent et immoral comme l’est notre monde. Un roman jouissif et drôle, original et pervers.


Publié aux Editions Gallimard – 2013 – 369 pages

8.2.14

Les renards pâles – Yannick Haenel


Une fois refermé cet étrange roman, on est en droit de se demander quel était bien le propos de son auteur. A-t-il voulu nous faire du « Houellebecq » et se lancer dans une sorte de roman trash et sévère de la désespérance, dénonçant l’inévitable glissement de certaines couches de notre société vers une exclusion délibérée ou non ? Son style et le fonds le laissent souvent penser ainsi qu’un court passage d’un dialogue improbable où il fait explicitement référence à celui qui fut un révolutionnaire du roman contemporain.

Ou bien, Haenel appellerait-il explicitement à la révolution avant qu’il ne soit trop tard, que notre société ne s’écroule par elle-même pour ne promettre que des cendres dont, seule l’origine, reste aussi inconnue que dangereuse, promesses de lendemains qui déchantent ?

S’appuyant sur ces mouvements populaires qui éclatent un peu partout dans le monde, prenant exemple des « indignés » venus d’Espagne et dont les récents bonnets rouges bretons n’ont été qu’une nouvelle forme, régionale, puis nationale, d’expression d’un ras-le-bol de plus en plus exacerbé, Haenel se met à rêver que le peuple est capable de prendre le pouvoir, de descendre dans la rue pour imposer ses vues, mettre un terme à une crise qui ne fait que fabriquer toujours plus d’exclusion, de laissés pour compte au profit d’une infime minorité. Mais pour en faire quoi ?

Car, ici, Haenel se contente d’imaginer la vague construction d’une déferlante sociale et pré-révolutionnaire. Un homme a décidé de vivre en retrait du monde au point de finir par s’installer dans la voiture qu’un ami lui a prêtée. Par une succession de hasards, de rencontres, de beuveries et d’orgies crûes dont rien ne nous est épargné, il finira par rejoindre le cercle des « Renards pâles » qui n’est rien d’autre que le Dieu anarchiste des Dogons du Mali. Ici échouent tous les sans-papiers, tous les agités fortement imbibés qui rêvent de casser une société qui les proclame ouvertement parasites et indésirables.

Il pourrait alors suffire d’un prétexte, ici celui du décès accidentel de deux Maliens sans-papier pourchassés par la police et finissant par se noyer dans la Seine, pour que tout s’embrase. Sans doute, mais pour promettre quoi ensuite ?

Car c’est bien là la limite d’un livre dérangeant, abrasif et sans concession, parfois saisissant comme la scène dans laquelle un sans abri disparaît aspiré et broyé dans une benne à ordures, déchet symbolique dont la société se débarrasse en catimini, mais qui n’imagine rien après l’anéantissement promis. Promesse évasive d’une suite ou paresse d’écrivain ?


Publié aux Editions Gallimard – 2013 – 175 pages

3.2.14

Billie – Anna Gavalda


 
On pourra aisément se fourvoyer dans le dernier roman d’Anna Gavalda si on n’y prend garde. Pourtant, l’auteur prend soin de terminer son livre par une petite ritournelle qu’on pourra lire comme une nouvelle preuve d’impertinence dont elle jonche son roman ou bien comme un palimpseste codé. Sans vous donner la clé de décodage (facile à craquer), vous comprendrez que voici un livre à double sens et qu’il conviendra de relire si vous n’avez pas prêté la bonne attention.

Délaissant son style habituellement plutôt élégant, Gavalda se lance à corps perdu dans une langue des plus imagées, crue et explicite. La langue d’une sorte de lumpenproletariat moderne, celle de Billie, une fille qui vient de la gangue, celle des familles vivant dans des conditions des plus précaires, où l’alcool fait office de principale nourriture et les coups de mode éducatif. Un univers médiocre, repoussant et glauque où elle s’est trouvée plongée de force après que sa mère l’eût  abandonnée à l’âge d’un an et avoir été confiée à une belle-mère acariâtre et encombrée de gamins.
La chance de Billie sera de rencontrer Franky, un autre exclu comme elle. Sur les bancs de l’école, ils se seront reconnus au premier coup d’œil mais il aura fallu des années et des circonstances exceptionnelles pour que le fossé a priori infranchissable soit comblé entre eux. C’est Marivaux qui les réunira, offrant une scène qu’ils doivent interpréter ensemble devant le reste du collège. Cela aurait pu être un de ces pensums régulièrement infligés dans nos établissements scolaires. Ce sera une révélation protéiforme. Celle d’un ancien temps, de ses codes et de ses mœurs. Celle de la culture alors que Billie ne vivait que dans la sous-culture. Celle d’une intelligence, Franky sachant se mettre à la portée de Billie pour lui faire appréhender un texte dans lequel elle va se transcender. Celle enfin qu’à deux, ils sont capables de faire taire les profs qui voient en Billie une ratée définitive et des camarades qui martyrisent Franky parce qu’il est une « fiotte ».

Alors commencera une relation spéciale entre ces deux lascars, sur laquelle Gavalda laissera traîner une ambiguïté certaine (sauf à lire attentivement ce qui se passe entre nos deux compères devenus adultes et désormais coincés au fond d’une crevasse, pensant mourir, prétexte à ce que Billie se repasse en mode accéléré son existence tapageuse). Une vie semée d’embûches où il faudra subir bien des humiliations encore avant de trouver sa voie et continuer de croire en sa bonne étoile malgré tout ce qu’il faudra endurer.
Dans un style explosif et jouissif, Gavalda fait exploser les codes et bouscule au passage les bien-pensants, celles et ceux de plus en plus nombreux qui voudraient voir une société moins liberticide, les bobos et les systèmes. Ne reste que l’amour, bizarre et lumineux, combustible essentiel qui permet à deux êtres que tout condamnait à non seulement survivre mais se révéler, s’imposer, trouver leur place et donner du bonheur à un monde qui leur vouait malheur. Une leçon d’espoir et d’humanité à côté de laquelle il sera facile de passer si l’on se laisse repousser par la langue ou que l’on reste à la surface des choses… Un livre dérangeant en tous cas.

Publié aux Editions Le Dilettante – 2013 – 224 pages

1.2.14

Robien, Scellier , ruinés – Erwan Seznec



Voici une essai à conseiller absolument avant de se lancer tête baissée dans la moindre opération de défiscalisation immobilière.

De façon très documentée, s’appuyant sur un luxe d’exemples réels et concrets, démontant sans état d’âme les rouages et les pièges des textes de loi, Erwan Seznec, journaliste investigateur, met en évidence en quoi l’immobilier de défiscalisation constitue probablement l’un des plus grands – et certainement le plus coûteux – scandales de la Cinquième République.

S’il existe des programmes de qualité qui permettent de défiscaliser tout en constituant un patrimoine immobilier solide, ceux-ci sont cependant rares et réservés à une clientèle fortunée, triée sur le volet et bien informée.

Pour le reste de la population, sous prétexte de défiscalisation, tout est bon à faire, à prendre et à vendre. Peu importe la valeur à terme. Peu importe l’impossibilité de louer du fait d’un marché saturé, de logements insalubres car mal ou jamais finis ou situés dans une zone inaccessible quand ce n’est pas le tout en même temps ! Seul compte de vendre vite, en utilisant des méthodes musclées, à la limite extrême du harcèlement, ciblant les plus faibles, les plus mal informés, les plus éloignés aussi et surtout d’un chantier qu’il sera impossible d’écouler sur place car les locaux savent trop bien que le programme est invendable.

A coups de plans de financements aussi irréalistes que fantaisistes, jouant sur la confiance et la naïveté des gens, une armée de vendeurs aux armes fourbies trouvera toujours les pigeons de service à qui fourguer une camelote à un prix outrageusement surévalué.

Du coup, ce sont probablement des centaines de milliers de foyers français qui, s’ils ne s’en sont pas encore aperçus, vont se retrouver au piège. Croyant avoir réalisé une bonne opération financière généreusement autorisée par le fisc, ils vont en fait se retrouver à la tête d’un bien qui va tourner en cauchemar, devenir un gouffre sans fond et provoquer la ruine des pus fragiles d’entre eux.

Mais qu’importe car, entretemps, les promoteurs se seront enrichis, les politques auront été réélus sur la base de promesses de créations d’emplois et d’activités dérivées rarement au rendez-vous. L’Etat n’aura pas fait une mauvaise affaire non plus ayant empoché au passage la TVA sur la construction, les impôts immobiliers, les frais d’actes notariés, les contributions sociales sur les emplois générés. Seuls seront plumés ceux qui auront cru au miroir aux alouettes !

Le bâtiment constitue l’un des plus puissants lobbies nationaux comme le démontre l’auteur. Un lobby capable de faire voter en catimini des lois dont il aura rédigé lui-même les textes. Un lobby entretenu par les banques vivant des crédits immobiliers accordés à la pelle et d’autant plus facilement que leur gestion est parfois déléguée à des officines qui ne sont rien d’autres que des émanations des promoteurs eux-mêmes ! Un lobby faisant vivre des notaires avec lesquels ils sont en cheville. Bref, un petit monde interlope de combines, d’arrangements entre amis, d’intérêts croisés, d’amateurisme et de courte vue pourvu que tout cela permette de s’enrichir vite. Et puis, de toutes façons, un autre texte de loi viendra bientôt remplacer le dispositif précédant, sans que jamais personne n’y mette un terme, alors pourquoi se priver ?

Seuls seront plumés ceux qui n’auront pas eu la présence d’esprit de procéder à des vérifications de base, à commencer par celle de se rendre sur place et d’interroger les locaux. Cela leur aurait évité de se retrouver pris au piège d’un système quasi-mafieux bien rodé.

Un livre sulfureux et indispensable.

Publié aux Editions du Seuil – 2013 – 189 pages