15.2.14

La cuisinière d’Himmler – Franz Olivier Gisbert


FOG possède l’indéniable talent de tenir ses lecteurs en haleine. Et d’haleine, il est bien ici question d’ailleurs car Rose ne supporte pas les bouches pestilentielles  dont l’origine est à trouver dans une alimentation inappropriée aux organismes qui les absorbent. Alors, Rose les soigne avec ce qu’elle sait faire de mieux, une cuisine saine et équilibrée, faite d’aliments naturels et de concoctions de ses œuvres. Parfois, ce sera, par la force des choses, le concours des circonstances et les grands bouleversements des guerres qui rythment les siècles des personnages anodins. Mais le plus souvent, c’est aux puissants qu’elle servira ses secrets qu’elle entreprend de confier et de révéler par le truchement du journal de ses mémoires.

Car Rose est centenaire. Encore vaillante, elle ne se déplace jamais sans son Glock, prête à farcir de plomb celui qui aurait la malencontreuse idée de venir la titiller ou l’agresser. Car Rose aura tout connu, jouet de l’Histoire, poupée symbolique qui aura parcouru le monde tout au long du siècle le plus fou, le plus meurtrier de toute l’humanité.

Arménienne, Rose aura vécu le génocide, le massacre quasiment sous ses yeux de toute sa famille. Unique survivante, elle ne devra de rester vivante qu’à sa beauté qui fera d’elle une esclave sexuelle bien qu’encore impubère. Ayant trouvé le courage et la possibilité de s’enfuir, elle connaîtra une existence extraordinaire qui la fera côtoyer les pires salauds du siècle dernier, les anonymes pervers comme ceux qui peuplent les livres d’Histoire : les Mao, Hitler, Himmler et autres tyrans sanguinaires et despotiques.

Son obsession sera de jouir de la vie, d’en profiter, sans jamais oublier de se venger dès que les circonstances le permettent, quitte à longuement attendre son heure, de celles et ceux qui l’auront à jamais séparée des siens, des êtres qui lui étaient chers. Car Rose est tenace, opiniâtre, déterminée et rusée. Et elle sait se faire oublier, passer à travers les mailles du filet, s’adapter aux pires circonstances pour mieux rouler dans la farine de ses petits plats mitonnés les grands et les petits qui s’y laisseront prendre.

Tout cela est truculent, impertinent et immoral comme l’est notre monde. Un roman jouissif et drôle, original et pervers.


Publié aux Editions Gallimard – 2013 – 369 pages