25.5.14

Les insomniaques – Camille de Villeneuve


Premier roman d’un jeune auteur de 28 ans, « Les insomniaques » constitue une entreprise littéraire assez ambitieuse. C’est à une cinquantaine d’années d’histoire de France, de l’immédiat après deuxième guerre mondiale au début des années quatre-vingt-dix, une fois le pays basculé dans le socialisme que s’attaque notre jeune écrivain. Un demi-siècle secoué par trois guerres désastreuses, traversé par des courants politiques et idéologiques aussi radicalement opposés que furent le Gaullisme ou le Socialisme et qui finit par voir l’avènement d’une société nouvelle, aux rapports sociaux et aux conventions radicalement redéfinis.

Le propos est d’autant plus ambitieux que c’est à travers les yeux et la vie quotidienne d’une famille de vieille noblesse qui se partage entre un hôtel particulier à Paris et un château du XVIIème en Pays de Loire, qu’on choisit de tracer les évolutions d’une France dont les sinuosités se retrouvent dans les errements des membres d’une vieille noblesse qui n’en finit plus de se déliter et de se ruiner.

C’est donc, avant tout, une saga familiale, celle des Argentières, qui nous est ici contée dans un luxe de détails qui, d’ailleurs, finit par être encombrant. L’histoire commence avec le décès brutal du patriarche, suite à une chute de cheval, Jean-André d’Argentières, marquis de son état, lors d’une cavalcade dans son domaine.

Elle va nous promener sur trois générations dont les deux dernières marquent la fin d’une époque, celle de la noblesse locale qui régnait sur les paysans et s’étaient accaparées les fonctions républicaines afin de s’assurer de la maîtrise des évènements. Mais les mariages avec des roturiers, pas forcément riches, puis la dilapidation du capital, faute d’une saine gestion, conjugués aux dissensions et aux errances finiront par emporter les titres de noblesse et forcer l’adaptation des nobles fiers de leur lignée à une vie plus contemporaine et plus réaliste.

La cohorte de personnages mis en scène sert tout à fait ce propos. Elle dit l’enracinement dans le passé, l’incapacité à se projeter différemment dans un monde qui bouge, l’attachement aux apparences. Elle dépeint aussi, souvent savoureusement, les inimitiés, voire les haines, qui opposent les fratries, pour des questions d’héritage ou de principes.

Tout cela est fort bien écrit quoiqu’avec une certaine préciosité et un côté très Vieille France. Cependant, on se perd souvent dans les personnages et il faut recourir fréquemment à l’arbre généalogique, fourni en début d’ouvrage, pour retrouver les parentés.

Le principal défaut du livre reste au fond son épaisseur, plus de six cents pages assez denses. C’est beaucoup trop quand le propos, pour sympathique qu’il soit, n’est pas servi par une verve ou une intensité qui sauraient maintenir une attention qui, du coup, se relâche dangereusement.

Pourquoi l’éditeur n’a-t-il pas exigé de sombres coupes et des simplifications ? Cela reste un mystère. Le livre y aurait fortement gagné en impact et en qualité.

A déguster alors comme un thé longuet, délicieusement servi dans des porcelaines surannées,  dans un salon qui se défait lentement au cours d’une longue après-midi qui s’étire lentement.


Publié aux Editions Philippe Rey – 2009 -603 pages