14.3.15

Le complexe d’Eden Bellwether – Benjamin Wood


Avec ce premier roman magistral, le jeune auteur britannique Benjamin Wood, trente-trois ans, sort du bois en frappant un grand coup.

Dès les premières pages, nous savons qu’un drame s’est produit puisque des ambulanciers accompagnés de policiers sont en train de collecter des corps dans une propriété. Pendant près de cinq cents pages, l’auteur va nous tenir en haleine en nous contant qui sont ces gens dont il vient d’être question et comment on en est arrivé là.

Rien que de très classique comme artifice littéraire et trame romanesque, me direz-vous. Sauf que Benjamin Wood fait preuve d’une savante combinaison de maestria, d’analyse psychologique, de regard sans complaisance sur les dérives de la société britannique et de son système scolaire élitiste tout en faisant défiler une cohorte de personnages superbement campés et souvent hauts en couleurs. Le tout dans une ambiance nappée de plus en plus de mystère, où manipulation et folie composent un cocktail dont le côté explosif ne cesse de progresser jusqu’au drame final.

Lorsqu’Oscar Loewe entre dans une chapelle de Cambridge attiré par le son puissant et envoûtant d’un orgue, il ne sait pas encore que sa vie va basculer à jamais. D’abord, parce qu’il va y faire la connaissance d’Iris Bellwether, une jeune étudiante en médecine, à la fois brillante et assez délurée. Entre eux, une histoire d’amour va rapidement prendre forme alors que tout les oppose. Ensuite, parce que, inséparable d’Iris, il y a son frère Eden. Un garçon à l’intelligence fulgurante, organiste virtuose, compositeur de partitions où il use avec une certaine perversité de sa capacité à hypnotiser son auditoire.

Eden a le sentiment aigu d’être supérieur aux autres et souffre de graves troubles psychologiques. Il est convaincu que son magnétisme combiné à sa musique permet de venir à bout de toutes les souffrances au point de pouvoir faire revenir les morts parmi les vivants. Iris est déterminée à prouver à son frère qu’il est malade et qu’il doit se faire soigner et va s’employer à obtenir d’Oscar qu’elle l’aide en ce sens.

Commence alors un ballet mortifère où presque tout le monde manipule tout le monde, où la prise de risque pour aller sans cesse plus loin dans l’expérimentation ou la démonstration de ce dont on est convaincu ne cesse d’augmenter.  Un monde où derrière l’argent des nantis subsiste un indéniable mépris, ou à tout le moins une condescendance, pour ceux qui ne sont pas de leur monde.

Impossible de tenter de résumer un roman qui ne peut l’être tant il aborde de multiples questions et tant il fait appel à un foisonnement d’acteurs ayant tous un rôle essentiel dans une formidable machine infernale qui semble s’être mise en route malgré eux.

Voici en tous cas un remarquable tour de force littéraire, un roman diablement efficace, superbement construit, très documenté et qui happe son lecteur, un de nos derniers coups de cœur qui a, par ailleurs, reçu le Prix du Roman Fnac 2014.

Publié aux Editions Zulma – 2014 – 512 pages