23.8.15

Point de rencontre à l’infini – Klaus Mann


Après la lecture de la très intéressante préface rédigée par pierre Assouline, on constate une fois encore combien il peut être difficile de se faire un prénom. Car, bien sûr, Klaus est le fils de Thomas, le géant de la littérature allemande et il souffrira toute sa vie de cet ombrage. Klaus tenta l’excentricité, la marginalisation et prit des positions extrêmes pour essayer d’exister. Avec l’établissement de la dictature hitlérienne, il émigra aux USA en 1933 après avoir été chassé de l’Allemagne aryenne, abandonna à jamais la langue allemande après avoir été déchu de sa nationalité et rédigea ses derniers écrits en Anglais. Toute sa vie, il fut chaviré par son homosexualité et la tentation permanente du suicide  auquel il finit par se livrer à Cannes en 1949, souffrant d’être incompris et non reconnu pour son œuvre.

« Point de rencontre à l’infini » est le deuxième ouvrage publié sous son nom en France. Ce roman synthétise l’ensemble des tourments qui agitaient son auteur. Dans cette société de la haute bourgeoisie berlinoise de l’entre-deux guerres qui se relève tout juste d’une hyper-inflation qui faillit l’abattre, il faut trouver un sens à une vie qui a vu le lustre et le patriotisme teutons mis à mal.

En se noyant dans les fêtes, les adultères, les liaisons plus ou moins dangereuses, en consommant de la morphine plus que de raison, en brûlant sa vie sur les planches comme actrice, danseuse ou metteur en scène, en rédigeant de façon bouillonnante et brouillonne quantité d’essais, de romans ou de pièces musicales qui ne trouvent personne pour les éditer, la cohorte de personnages que nous observons tente de rendre compte de la déliquescence d’une nation qui ne sait plus très bien où elle en est.

Ballottés entre la montée vaguement inquiétante du nazisme auquel certains commencent à se rallier pour servir leurs carrières personnelles et le communisme qui semble, déjà, sans issue, épuisés par une économie mise à genoux, les personnages qui s’agitent fébrilement sous nos yeux sont le reflet d’un peuple qui noie son désarroi dans l’excès de tout et l’absence de perspective claire tant comme collectivité d’individus que comme entités individuelles en soi.

Alors, les histoires d’amour se font et se défont au gré des alliances et des combinaisons, de la nécessité de trouver un homme capable de vous financer si l’on est une belle femme avant que de l’abandonner sans regret pour un autre pour lequel on éprouve un sentiment plus sincère. Les plus faibles ne survivront déjà plus à ce maelström, épuisés par les excès et le dépit en tous genres, emportés par des suicides plus ou moins délibérés. Même lorsqu’ils sont ensemble, ces êtres semblent ne rien sincèrement partager et finiront peut-être, dans une autre vie, par se rencontrer à l’infini.

Le problème toutefois avec ce roman est double. Il est à la fois ancré dans son temps, ce qui en fait une intéressante chronique d’une autre facette de la société allemande au bord de plonger dans la folie nazie mais ce qui rend aussi le récit très daté, un compte-rendu devenu, quatre-vingts ans plus tard, anachronique. De plus, l’écriture y est souvent un peu pompeuse, ampoulée, manquant de naturel et de puissance. A un point tel qu’on risque, ce fut mon cas, d’éprouver un certain ennui relativement pardonné par les cinquante dernières pages assez sublimes.

A découvrir pour la curiosité mais pas indispensable.


Publié aux Editions Phébus – 2010 – 297 pages