2.7.16

Veracruz – Olivier Rolin


En bourlingueur et navigateur confirmé, Olivier Rolin, qui fait avant tout profession d’écrivain, sait que les voyages et les villes exotiques sont sources d’histoires et de mystères.

Un quart de siècle après, celui (le narrateur) qui fut marqué à vie par une histoire passionnelle dont la brièveté fut à l’image de l’intensité tente encore de comprendre. Il venait à Veracruz pour donner un cycle de conférences sur Proust. Des lectures décalées pour lire et voir le romancier de façon décomplexée et surtout non conventionnelle. Car lui, l’intervenant anonyme, n’est pas un homme de conventions mais plutôt un esprit libre qui va tomber raide amoureux d’une beauté locale rencontrée par hasard à un dîner tenu en son honneur.

Très vite, il devient impossible de se quitter. Tandis qu’il ne lui cache rien de sa vie, elle s’enferme dans le mystère cachant son identité, là où elle habite, ce qu’elle fait pour vivre. Une fille à la beauté sulfureuse et au caractère bien trempé, accompagnée d’un Luger dont elle ne se sépare jamais et avec lequel elle rit à dégommer d’un tir instinctif de monstrueux papillons de nuit vernaculaires.

Et puis, un jour, elle disparaît tout aussi mystérieusement qu’elle apparut. Désespéré, l’amant abandonné qui a depuis belle lurette renoncé à rentrer au bercail s’abîme dans le bar dont le nom El Ideal sonne comme l’antithèse de sa promesse. Un rade crasseux, écrasé de soleil, où il s’écroule chaque soir comme un ivrogne désespéré que le tenancier finit par mettre gentiment dehors, l’heure de la fermeture venue.

Sans crier gare, parviennent quatre récits anonymes. Quatre courtes histoires qui laissent à penser qu’elles ont un lien, indécodable, mystérieux lui aussi, avec celle qui fut sa fulgurante compagne aztèque. Quatre récits donnant le point de vue de quatre personnages participant aux mêmes scènes de vie. Des acolytes peu amènes entre un prêtre défroqué et tourmenté par ses pulsions sexuelles, un pistolero jaloux comme un poux et prêt à émasculer le père putatif qui abuse de sa fille adolescente avec une compulsion bestiale. Et au milieu de ces trois rustres, une femme qui navigue, augurant d’un drame dont on entend les signes annonciateurs sous les hurlements d’une tornade qui s’abat sur la ville.

Quatre récits qui n’apportent que de nouvelles interrogations sans régler aucune question. Quatre fulgurances aux relents de violence et de stupre, trempées dans une langue farouchement imagée, musclée  et traversée d’expressions espagnoles comme les éclairs de cette fin du monde que l’on sent prête à tomber sur l’ensemble des protagonistes hagards.

Un livre très maîtrisé, étrange, à déguster comme un alcool violent.


Publié aux Editions Verdier – 2016 – 128 pages