5.11.16

On dirait nous – Didier van Cauwelaert


Didier van Cauwelaert aime les histoires un brin décalées et comportant leur lot d’étrangeté. Il y voit matière à bousculer les codes tout en éveillant l’attention et la sympathie de lecteurs qu’il entraîne dans des récits de vies qui n’ont rien de commun. C’est à nouveau le cas avec son dernier roman, « On dirait nous », à la fois jolie histoire d’amour et parabole sur le désir d’éternité.

Le jeune couple que forment Soline et Illan tente de mener son chemin. Elle est violoncelliste virtuose, d’une beauté foudroyante, fantasque et quelque peu imprévisible. Il est amoureux fou et vit de petites magouilles immobilières sans jamais avoir réussi à vraiment trouver sa place dans un monde pour lequel il ne semble pas préparé. Tous deux compensent leurs difficultés financières en se livrant à des jeux sexuels les amenant à faire l’amour dans les lieux et les situations les plus improbables. C’est qu’il faut bien pimenter une existence pas toujours facile.

Un jour, se promenant, ils tombent sur un couple de petits vieux, émouvants, dégustant des éclairs au chocolat, assis sur le banc où la veille encore eux, les jeunes, se livraient à leur pratique amoureuse. « On dirait nous » au même âge, confessera Soline. Une phrase anodine qui déclenchera tout.

Depuis des semaines, Georges et Yoa (les occupants âgés du banc) cherchent ceux sur lesquels ils vont jeter leur dévolu.  Georges sait en effet son épouse gravement malade et condamnée. Une femme qu’il aime éperdument, rencontrée en Alaska, l’une des dernières descendantes des Tlingits dont il est lui-même l’un des derniers philologues. Or ce peuple croit en la réincarnation à partir du moment où l’être qui se sent mourir peut choisir la femme qui donnera naissance à l’enfant devenant son continuateur, distinguable par les stigmates qu’il porte sur lui. Et c’est évidemment Soline qu’ils ont choisie pour jouer ce rôle.

Commence alors un travail d’approche, tournant rapidement à une forme de harcèlement doublé d’un chantage alimenté par la connaissance approfondie de la situation du jeune couple soumis à un véritable espionnage. C’est que le temps presse et tout semble concourir à faire de Soline l’élue et d’Illan le père obligé de l’épouse réincarnée de Georges.

Sur ce scenario quelque peu rocambolesque, l’auteur élabore un joli conte dans lequel l’amour jouera bien des tours car il n’est assurément pas facile pour Georges de ne pas s’enflammer pour Soline et encore moins pour Illan de s’accommoder d’une situation dont il semble de plus en plus perdre le contrôle. D’autant que pour que la réincarnation soit assurée, il conviendra de se livrer à une série de rites magiques peu ragoûtants mais qui forment, dans les cultures d’Alaska comme d’Amazonie, le chemin permettant aux vivants de prendre congés de leurs morts tout en poursuivant le cycle ininterrompu de la vie.

D’un thème qui aurait pu être lourd, Didier van Cauwelaert tire un roman au fond joyeux, loufoque et ludique ; un livre qui interpelle sur le temps qui passe, le sens des sentiments, la douleur de savoir devoir se défaire des êtres aimés, la manipulation, la force des croyances. On y rit beaucoup et passe un agréable moment.


Publié aux Editions Albin Michel – 2016 – 368 pages