25.2.17

La valse des arbres et du ciel – Jean-Michel Guenassia


Et si van Gogh ne s’était pas suicidé ? Et si le Docteur Gachet n’était pas cet amateur éclairé protecteur des impressionnistes mais un horrible profiteur doublé d’un père imbuvable ? Et si Marguerite Gachet, sa fille, avait été l’amante en fleurs du génie arrivé à Auvers-sur-Oise en cet été 1890 ?
S’appuyant sur des recherches historiques, médicales et artistiques diverses et parfois récentes, Jean- Michel Guenassia s’empare d’une histoire devenue une sorte de mythe : celle de ces journées d’été 1890 durant lesquelles Van Gogh, artiste largement moqué et déconsidéré de son vivant pour son incapacité à savoir dessiner selon les règles académiques comme pour son goût des couleurs aux antipodes des canons esthétiques officiels, allait produire pas moins de soixante-dix toiles en cinquante jours avant de disparaître de façon mystérieuse d’un coup de pistolet  tiré selon un angle improbable dans le ventre, le plongeant dans une horrible agonie à laquelle rien ne fut fait pour la soulager.
Car, parti-pris littéraire oblige, Marguerite Gachet devenue vieille a décidé de conter sa vérité avant qu’il ne soit trop tard. Celle d’une jeune fille qui va tomber intensément amoureuse d’un peintre au caractère difficile, en butte constante contre les conventions de son temps. Des conventions qui lui interdisent de poursuivre des études aux Beaux-Arts, qui la poussent à épouser un garçon dont elle ne veut pas, qui en font la prisonnière physique et psychique d’un père tyrannique, uniquement préoccupé de préserver les apparences, de sauver sa réputation et de se constituer une collection de maîtres à peu de frais. Un médecin peu capable, revu et corrigé par l’auteur et par l’intermédiaire de sa fille, doublé d’un être abject… Et, enfin, une histoire d’amour impossible qui se terminera mal en guise de colonne vertébrale du roman fictionnel.
Si l’on croit dur comme fer à la version officielle, il est certain que ce livre agacera. Si l’on accepte l’occurrence de points de vue alternatifs, on appréciera alors tant la remise en cause troublante d’une mort louche que sa mise en perspective historique illustrée par l’insertion de textes d’époque qui montrent le grand écart entre une société de classe et de préjugés et notre monde actuel plongé dans d’autres affres. Tout cela est supporté par une belle langue rendant hommage à la beauté des lumières du Vexin et capable de faire surgir force toiles qui allaient bouleverser l’histoire de la peinture et faire basculer cet art dans la modernité.
Publié aux Editions Albin Michel – 2016 – 301 pages