3.9.17

En marchant sur le fleuve céleste – Peter Oliva


Peter Oliva est un écrivain canadien dont l’œuvre, encore assez confidentielle en France, est publiée aux Editions Joëlle Losfeld. Né au Japon, il y a enseigné l’Anglais ainsi qu’à Taiwan avant de débuter une carrière littéraire dont le premier ouvrage « Parmi les ombres » lui a valu un prix au Canada et une reconnaissance immédiate dans le monde des écrivains anglo-saxons. « En marchant sur le fleuve céleste » est son deuxième roman, paru neuf ans après le premier.

Partir vivre et travailler à l’étranger est une expérience qui, généralement, transforme durablement ceux qui la font. Surtout si la destination est synonyme de culture, de références et de codes sociaux aux antipodes de l’éducation reçue jusque-là.

C’est à cette forme de choc plus ou moins rude que va se trouver confronté le narrateur, un jeune professeur canadien parti enseigner l’Anglais au fin fond du Japon rural, loin, très loin, de l’agitation assez cosmopolite de la capitale tokyoïte. Le récit de Peter Oliva n’est pas tant celui de l’expérience vécue en soi par ce jeune homme que plutôt une réflexion à la fois poétique et narrative sur ce que chaque rencontre, chaque nouvelle découverte peut receler de potentiel d’ouverture, d’enrichissement personnel, de compréhension sur soi-même et de la culture d’où l’on vient, tout simplement parce que l’on est obligé de l’observer par un autre prisme. C’est en même temps l’occasion de railler gentiment l’administration tatillonne d’un pays qui s’efforce de toujours tout encadrer et d’imposer quantité de normes censées garantir l’harmonie et la sécurité. Il y a, on l’aura compris, une bonne dose de projection autobiographique venue alimenter la composition du roman.

Les découvertes en pays de détachement se font nécessairement via celles et ceux que l’on côtoie. Pour le narrateur, les guides souvent implicites (parce qu’endossant ce rôle plus ou moins malgré eux) pour avancer dans le dédale d’un monde inconnu seront celles et ceux croisés sur son chemin. Un voisin enseignant dont l’originalité est de décrypter pour son entourage restreint les us et coutumes du Pays du Soleil Levant ; un prêtre shintoïste enseignant le Japonais avec une rigueur militaire ; une élève qui est loin d’être insensible au charme du jeune homme lui-même magnétiquement fasciné par cette jeune femme troublante et a priori dangereusement inaccessible. 

Autant de façons d’apprendre sur le pays où l’on sait ne faire que passer, tisser des liens qui vous changeront inexorablement, voir son pays natal où l’on sait son retour programmé de manière différente.

Sans parler de monument littéraire, il y a dans ce roman un brin autobiographique un indéniable charme, un trouble immanent qui en font tout l’intérêt pour les curieux.

Publié aux Editions Joëlle Losfeld – 2002 – 325 pages