23.2.18

Comment vivre en héros – Fabrice Humbert



Souvent, la vie offre des bifurcations qui, pour chacune d’entre elles, nous mèneront dans des directions opposées se traduisant par des options de vie radicalement différentes. Pour Tristan Rivière, le personnage principal du dernier roman de Frédéric Humbert, ce seront trente-huit secondes exactement qui détermineront sa vie. Trente-huit secondes et trois scenarii possibles, tous identiques au début mais qui, tous, basculent vers un avenir radicalement différent.
Un soir dans un train de banlieue montent quatre jeunes quelque peu alcoolisés qui s’en prennent aussitôt à une jeune et jolie femme. Trois possibilités pour Tristan, un jeune homme bâti en athlète, un ancien boxeur amateur de bon niveau marqué depuis des années pour n’avoir pas osé s’interposer lorsque son entraîneur de boxe s’est fait salement tabasser dans le métro par trois abrutis finis.  Alors, rester passif et fuir, laissant la frêle jeune femme aux prises avec des gars qui pourraient bien la violer ne serait que la répétition d’une lâcheté précédente. Intervenir et prendre un mauvais coup de couteau permettrait de mourir en héros. Et ravir la belle des mains des furieux par un éclair de génie, une inspiration osée sans coup férir serait sans doute la plus belle issue. C’est celle que retiendra l’auteur pour bâtir le reste de son roman.
Depuis son troisième  roman « L’origine de la violence » qui fut un grand succès et le révéla, on sait l’auteur obsédé par la question de la violence, la façon dont elle nous détermine, le rôle qu’elle joue dans nos décisions, nos actes, nos peurs individuelles ou collectives. Aussi n’est-il pas étonnant que tout le dernier roman de l’écrivain ne soit rien d’autre qu’une nouvelle métaphore sur le fait qu’on ne peut devenir un héros, dans la famille Rivière et sur trois générations, que par ratages et en cédant toujours, directement ou indirectement, à la violence soit qu’on la prodigue soit qu’elle nous le soit.
Il y a toujours un prix à payer semble nous dire l’auteur pour devenir un héros. Celui du sang souvent, celui du renoncement au confort de l’anonymat, celui de l’aliénation de sa liberté au profit d’une cause prétendue plus noble. Un prix qui rend la vie inéluctablement plus lourde, rapidement plus absurde, biaisée par l’illusion de contentements qui ne sont que factices. Des héros en forme d’anti-héros en quelque sorte, une farce grotesque induite par l’illusion des temps modernes.
Le problème de ce roman est que parti sur une idée (la place des choix ou du hasard dans nos vies), il bifurque ensuite sur une narration mal écrite, usant d’infinis poncifs, dramatisant les situations à l’extrême comme s’il fallait absolument forcer le trait à tout prix pour tenter de convaincre. Il y a un désespoir désespérant dans ce livre, un scénario de série B, une totale absence de souci du style et une fin digne d’un roman d’Arlequin qui finissent par en faire l’un des pires romans de la rentrée d’automne 2017.
Publié aux Editions Gallimard – 2017 – 416 pages