12.4.18

Konbini – Sayaha Murata


Les Konbini, ce sont ces superettes que l’on trouve un peu partout au Japon. Ouvertes H24 et 7 jours sur 7, elles permettent aux habitants comme aux travailleurs du quartier de s’approvisionner de l‘essentiel à toute heure du jour ou de la nuit.
C’est dans un de ces konbini que Keiko Furukura passe sa vie. Cela fait dix-huit ans qu’elle opère comme vendeuse et caissière. Dix-huit ans que le konbini lui parle, grâce à son atmosphère d’aquarium étincelant et protégé, grâce à ses formules toutes faites, répétées à l’envi, d’abord en rangs serrés orchestrés par le gérant dès la prise de service, puis à chaque interaction standardisée avec tout client. La vie y est lisse, normée, rythmée par les heures de pointe et les promotions quotidiennes. Une vie qui convient parfaitement à Keiko qui, depuis qu’elle est toute petite, n’a jamais vraiment compris les règles de fonctionnement de la vie en société.
A trente-six ans, au grand désespoir de sa famille, elle n’est toujours pas salariée d’une entreprise, pas mariée et toujours vierge. En fait, nous le devinons sans que jamais le mot ne soit écrit, Keiko est une autiste relativement légère à qui le konbini sert de mode et de repère de vie. Cette vie tranquille, régulée, insipide aux yeux des autres, va se trouver bouleversée à l’arrivée d’un nouvel employé. Un jeune homme dégingandé, sale, incapable de respecter les consignes, ne cessant de contester ouvertement les règles rigides et ridicules du fonctionnement de la société nippone.
De cet être hors norme, comme elle, Keiko va peu à peu se dire qu’elle pourrait faire une sorte de compagnon de vie asexué, histoire de mettre un terme aux éternelles remarques en forme de reproches à peine voilés sur son célibat et son absence de toute sexualité. Une façon de tromper un monde dont les règles lui restent totalement bizarres et incompréhensibles. Une étrange relation entre deux êtres aux antipodes du stéréotype normatif de la société japonaise va alors se développer et donner lieu à une série de situations des plus cocasses.
Le livre fit un tabac au Japon, valant même à son auteur le fameux Prix Akutagawa (l’équivalent de notre Goncourt). Pourtant, cette jeune auteur de trente-six ans (elle aussi) continue de travailler dans son konbini. Un dernier clin d’œil à une société où ne pas se conformer aux apparences et aux normes est un sacrilège absolu.
Un vrai coup de cœur.
Publié aux Editions Denoël – 2018 – 124 pages