4.5.18

La beauté des jours – Claudie Gallay



Claudie Gallay aime dessiner ses histoires autour de femmes frisant la quarantaine, douces et tranquilles. Toutes caractéristiques que Jeanne, le personnage principal de son dernier roman, possède à un degré de concentration absolue.
Toute la vie de Jeanne semble construite sur de la force des habitudes. Les journées sont rythmées par la contemplation du train qui passe immanquablement à 18H01 et Dunkerque constitue la destination immuable des vacances annuelles. Même le hasard semble être programmé pour mieux être contenu : elle s’invente des petites règles pour traiter les demandes faites par les clients se rendant au guichet de La Poste qu’elle occupe et s’amuse à suivre des inconnus dans la rue, pour mettre un brin de fantaisie, mais jamais plus de vingt minutes. Son existence semble tout entière consacrée à son mari et à ses deux filles jumelles arrivées au seuil de l’âge adulte et poursuivant leurs études loin du domicile familial.
Mais Jeanne cultive aussi un jardin secret et voue une fascination passionnée pour l’artiste serbe Marian Abramovic dont elle suit les performances douloureuses et la vie amoureuse où chaque nouvelle histoire paraît vouée d’avance à un nouvel échec à cause de trop d’exigences ou par absence de compromis. Alors Jeanne écrit à son idole des lettres qui restent d’autant sans réponse qu’elles ne sont quasiment jamais envoyées. Une sorte de journal intime juste effleuré par crainte d’aller trop loin.
Un jour, elle retrouvera par hasard Martin, un amour de jeunesse venu réaliser un chantier de rénovation de fresques près de chez elle. Il y aura la tentation d’une autre vie, la perspective vite étouffée d’une folle passion. Car Jeanne ne peut envisager de vivre durablement en prenant des risques et de casser des habitudes qui la rassurent et structurent des journées dont elle tente, avec modestie, gentillesse, effacement et sens du service rendu aux autres de tirer sa beauté à elle.
Pour dire la modestie de cette ambition et l’apparente tranquillité, en réalité tourmentée, de Jeanne, Claude Gallay use d’une langue d’une extrême simplicité faite de phrases courtes, à la limite du dépouillement le plus strict. C’est leur agencement qui en fait le charme, la musique et la poésie que sauront entendre celles et ceux qui acceptent de se contenter des petites choses pour y voir ce qui en fait la beauté.
Publié aux Editions Actes Sud – 2017 – 404 pages