15.1.19

Tenir jusqu’à l’aube – Carole Fives


Voici un personnage de roman qui aurait pu grossir les rangs indistincts des « gilets jaunes ». Nous partons à la rencontre d’une jeune femme qui, à l’instar d’un certain nombre des occupants de nos ronds-points, élève seule son enfant. Arrivée à Lyon où elle suivit son compagnon qui l’a depuis larguée sans jamais plus de donner de nouvelles, elle tente de survivre comme graphiste free-lance.
Un métier difficile quand on s’est fait une spécialité dans l’édition papier à une époque où le numérique devient la norme. Un métier encore plus difficile quand on débarque dans une ville où l’on n’a pas le moindre réseau professionnel. Une tâche qui s’annonce bientôt presqu’impossible quand on a en outre la charge seule d’un jeune enfant, qu’on est sans grande ressource et sans aide.
Du coup, tout le temps que cette « solo » pourrait consacrer à son espace professionnel se voit phagocyté par un enfant colérique et insupportable. Un véritable petit tyran qui lui fait payer l’absence de figure paternelle et sait formidablement tirer parti du désarroi et de l’épuisement de sa mère. Car, pour travailler, elle n’a d’autre alternative que de le faire la nuit en tentant de « tenir jusqu’à l’aube ». Un combat à l’issue incertaine quand les difficultés sociales, financières, juridiques sans parler des manques affectifs s’accumulent.
Dès lors, notre mère célibataire n’a d’autres ressources que de chercher des solutions sur le net. Un espace dont on sait qu’il réserve le meilleur comme, surtout, le pire. Et puis, pour respirer, la voilà qui se prend à se hasarder, chaque jour un peu plus, dans des déambulations nocturnes à la rencontre de possibles petites ou grandes joies capables d’illuminer un peu, un tout petit peu, une vie qui se déchire de plus en plus.
Carole Fives signe là un roman à la fois féministe (qui crie la difficulté des femmes seules à s’en sortir face à l’accumulation d’épreuves à franchir et à la pression sociale) et moderne. Moderne car il emploie une écriture simple (voire simpliste ce qui en fait aussi sa principale faiblesse) tissant un récit fréquemment entrecoupé de chats sur internet qui rendent bien compte de la formidable férocité et de l’imbécilité insondable qui règne sur bien des forums où l’on est venu pourtant chercher de l’aide.
Ceci en fait un roman certes engagé mais trop peu construit, à mon sens, pour le rendre si ce n’est majeur du moins distinguable.
Publié aux Editions L’arbalète Gallimard – 2018 – 177 pages