29.6.19

Intérieur jour – Marc Dugain



Après avoir réalisé le film « L’échange des Princesses » tiré du roman de Chantal Thomas avec laquelle il a d’ailleurs co-écrit le scenario, Marc Dugain décide de s’atteler à la rédaction d’un livre que l’on peut voir comme une sorte de confession et de réflexions inspirées de tout le travail qu’il fallut effectuer pour venir à bout d’un film aux multiples défis.
Chapitre après chapitre, nous voguons tantôt du côté de la narration de la manière dont le film fut préparé, tourné puis monté (un exercice où l’auteur multiplie les anecdotes qui éclairent le film pour ceux qui l’auront vu), tantôt du côté de la propre vie de Marc Dugain et la façon dont ce film en illustre certains aspects.
Comme toujours, il y a chez Dugain cette grande intelligence du récit, ce souci du travail de documentation historique et de la préparation avant que de laisser libre cours à son instinct. On pourra lire ce court récit sans avoir vu le film. Mais on en tirera la substantifique moelle probablement en ayant vu avant et revoyant ensuite ce qui fut un immense succès populaire.
Publié aux Editions Robert Laffont – 2018 – 170 pages

12.6.19

San Perdido – David Zukerman



Quoi de mieux que le Canal du Panama et ses villes côtières pour organiser trafics en tous genres ? C’est donc dans la ville de San Perdido que nous emmène David Zukerman pour un roman où la violence est omniprésente et sert de moyen commun pour obtenir sans vergogne ce que l’on désire.
Violence faite à celles et ceux qui survivent du tri des ordures dans la décharge où ils habitent. Tout ce qui peut être mangé l’est. Tout ce qui peut se revendre trouvera preneur. C’est d’ailleurs là, sur cet amas de détritus putréfiés et puants que va surgir un jeune enfant noir, muet mais doté d’une force irrésistible et d’un regard capable de vous clouer sur place. Un être mystérieux qui va servir de fil conducteur à une histoire de plus en plus alambiquée…
Violence faite aux femmes dont les plus belles finissent soit dans la maison close de luxe réservée à l’élite locale, soit au bras d’un puissant qui en fait sa maîtresse pour plus ou moins longtemps. Violence faite aux petits qu’on exploite en les sous-payant avant que de les liquider de manière expéditive si, d’aventure, ils devenaient trop gênants.
Sur cette ville perdue règne un Gouverneur uniquement préoccupé de trois choses : préserver son pouvoir, consommer le plus de femmes possibles car son appétit quotidien est immense et amasser le plus d’argent en s’acoquinant avec tout ce que l’environnement peut attirer d’arrivistes peu scrupuleux mais prêts à partager pour avoir eux-mêmes ce qu’ils convoitent.
Alors, naturellement, des haines se forment, des jalousies prennent naissance et des manipulations en tous genres s’ourdissent pour avancer ses propres pions. Les plus faibles ou les moins chanceux tombent et seuls survivront les plus rusés ou ceux au caractère plus que bien trempé.
Dans cet univers grouillant, l’auteur tisse une histoire aux ramifications multiples et qui n’hésite pas à plonger dans l’histoire rocambolesque du Panama. Toutefois, à force d’abuser de sorcellerie et d’invraisemblances en tous genres, le lecteur finit par décrocher d’un roman qui avait pourtant bien commencé. Car comment croire un instant à toute la dernière partie qui frise le grandiloquent ?
Publié aux Editions Calman Levy – 2019 – 411 pages

6.6.19

Trahison – Joyce Carol Oates



Celle qui fut par deux fois une des finalistes malheureuses du Prix Nobel de Littérature comptera assurément comme l’une des grandes femmes de lettres nord-américaines du XXème siècle. Trahison appartient à un genre que l’écrivaine affectionne particulièrement : celui des nouvelles.
Treize histoires de trahison en tous genres où, presque toujours, figurent des femmes dont le rôle et la place dans la vie ont longtemps été subordonnés à ce que les hommes, qu’ils soient père ou époux, ont bien voulu leur accorder. Treize pièces, plus ou moins longues, où un acte devient le symbole d’une séparation définitive, irréparable d’avec son environnement devenu souvent étouffant.
Cela peut être le cas d’une brillante jeune femme qui décèdera horriblement et seule à la suite d’un tatouage réalisé un peu par esprit de protestation envers une cellule familiale oppressante. Ou l’obsession d’un chercheur désormais en retraite pour des bruits provenant d’une maison abandonnée alors que sa femme s’enferme dans la conviction qu’il la trompe. Ou bien encore cette femme qui, à quarante ans passés, s’est résolue coûte que coûte à trouver un mari et assistera stupéfaite à l’acte héroïque de son compagnon, qu’elle n’aimait pas vraiment, venu s’interposer au risque de sa vie lors de l’attaque d’un énorme chien féroce. Ou encore, cette universitaire, doyenne d’une petite université locale, célibataire qui se voue corps et âme pour son père Prix Nobel de littérature, un être égoïste, egocentré et collectionneur de femmes.
Toutes ont des comptes à régler avec la vie, la société, la famille, leurs sentiments. Toutes se débattent prises aux pièges de la réalité mise en vis-à-vis à peine conscient de leurs grandes espérances. Toutes ont trahi leur idéal ou le voient trahi.
Magnifiquement traduit, ce gros recueil de nouvelles se lit avec un intense plaisir et reflète l’immense talent de leur auteur, une vieille dame désormais qui dit trouver son inspiration en regardant par la fenêtre de son cabinet de travail.
Publié aux Editions Philippe Rey – 2018 – 537 pages