Rien ne prédestinait Joachim Murat, ce fils d’aubergiste du Quercy, au destin hors du commun qui fut le sien. Chassé du séminaire pour s’y être battu, il s’engagera bientôt dans la cavalerie, lui l’amoureux des chevaux, dont il sera rapidement exclu pour indiscipline. L’histoire aurait pu s’arrêter là. C’était sans compter sur les temps fortement troublés de la Révolution et d’une capitale en ébullition qu’il avait rejointe pour s’engager dans la Garde Nationale.
Repéré par un jeune général dont on commence à parler beaucoup, Napoléon Bonaparte, il est envoyé en toute hâte chercher les canons que l’on fera tirer sur les insurgés. Sa bravoure, sa rapidité, son sens de l’à-propos le font sortir du rang. Le voici intégré à l’Etat-Major de Bonaparte. Lorsque ce dernier s’empare définitivement du pouvoir, Murat se distingue sur tous les champs de bataille à la tête de ses hussards. Défiant les habitudes, il excelle à lancer des manœuvres aussi braves que déconcertantes, souvent déterminantes pour la victoire finale.
Sa deuxième chance sera d’être l’élu de Caroline, la sœur benjamine de Bonaparte. Elle le choisira comme mari plus qu’il ne la choisira comme épouse. Dès lors, la voie est tracée qui fera de lui un Maréchal de France, le chef de l’Amirauté et, enfin, le Roi de Naples, une ville qu’il adore.
Mais trop de bravoure et une loyauté mal placée envers celui que l’Europe a décidé d’abattre finiront par avoir raison de lui. Arrêté le 8 octobre 1815 après un débarquement en Calabre à la tête d’un minuscule détachement en vue de reconquérir l’Italie qu’il a perdue en même temps que Bonaparte perdit son trône, le voici enfermé dans une minuscule citadelle où il se sait condamné à mort d’avance. Il ne lui reste alors que six jours à vivre. Autant de prétextes à six chapitres où le quotidien du prisonnier est principalement confronté aux souvenirs, aux regrets, aux sentiments profonds qui habitent l’homme qui a tout perdu.
A l’issue d’un procès stalinien avant l’heure, il finira fusillé par un peloton d’exécution dont il commandera lui-même le tir, geste ultime de défi et de bravoure. C’est ce personnage désormais oublié, peu cité dans les livres d’Histoire malgré le rôle crucial qu’il joua pour son chef, en quête d’une reconnaissance verbale de ce dernier qui ne vint qu’une fois en tant d’années de service, que remet en lumière François Garde. La langue y est sublime et la construction haletante, à l’image de la vie d’un homme hors du commun. Admirable.
Publié aux Editions Gallimard – 2019 – 297 pages