24.8.07

Et il y eut un matin – Sayed Kashua

Un de mes plus grands plaisirs, depuis que je me suis lancé dans l’aventure de Cetalir, est la découverte de jeunes talents fort peu connus en nos contrées.

En voici un nouvel exemple en la personne de Sayed Kashua, jeune journaliste arabe et critique de cinéma pour un journal de Tel Aviv.

« Et il y eut un matin » nous conte la difficulté d’être arabe en territoire occupé, de dépendre de tout pour les Israéliens, de travailler comme arabe pour des employeurs juifs. Une économie de survie permanente où quand on vous fait l’aumône d’un boulot, il vous faut tout accepter, y compris et surtout, la discrimination négative pour paraphraser nos politiques locaux, celle qui apporte son lot permanent d’humiliation, de frustration.

C’est aussi un beau roman pour comprendre comment l’économie palestinienne dépend étroitement des juifs d’Israël qui en contrôle l’approvisionnement en eau, en électricité, en essence, en nourriture ainsi que les banques… C’est aussi une fiction pour imaginer une paix, ardemment souhaitée mais hautement improbable, entre les ennemis jurés de la région et réaliser une belle étude sociologique sur les comportements entre arabes en situation de blocus militaire, dans un village assiégé par Tsahal et où la moindre tentative interprétée comme une volonté de fuir est immédiatement sanctionnée par un tir meurtrier sans sommation.

Sayed Kashua nous dépeint avec un indéniable talent ce soleil de plomb qui assomme le village, les techniques de survie quand plus rien ne fonctionne et que la haine, attisée par la jalousie, la soif et la faim, s’empare de ses voisins jusqu’à les pousser à vous vandaliser.

C’est aussi une magnifique interrogation introspective sur le comportement à adopter en tant qu’homme, que mari, que journaliste quand on est un arabe talentueux et intelligent, qu’il n’y a pas de travail en Palestine et que seule l’intégration a minima dans la société hébraïque offre une forme de perspective.

Sans doute est-ce le prix à payer, conjugué à tous les temps, pour qu’à la fin « il y eut un matin », celui de la réconciliation et de la vie en bon voisinage.

Un livre indispensable à tout honnête homme qui veut comprendre plus de l’intérieur ce qui se passe à cinq heures de vol de chez nous.

Publié aux Editions de l’olivier – 281 pages

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