13.1.08

Le silence du patineur – Juan Manuel de Prada

Ce recueil de nouvelles, dont il est difficile de dire celle que l’on préfère tant la qualité en est incomparable, m’amène à réviser ma position sur ce genre littéraire.

Il faut dire que Juan Manuel de Prada est un surdoué de la littérature qui force le respect et l’admiration. C’est entre dix-huit et vingt-quatre ans que ce jeune écrivain espagnol (il est né en 1970) a accouché de ces récits dont on peut dire qu’ils bousculent l’écriture contemporaine.

La langue y est d’une richesse extraordinaire non seulement du fait de la présence d’une quantité incroyable de mots dont j’avoue avoir ignoré l’existence jusqu’à présent, (savez-vous ce qu’est une métonymie ?), mais surtout par les associations inédites que l’auteur forme pour décrire en un trait magnifique et imagé ce qu’il souhaite exactement nous faire parvenir à notre cerveau émerveillé par tant de maîtrise.

Je ne peux résister à citer deux phrases qui, à elles seules, illustrent mon propos.

Tout d’abord cet extraordinaire de truculence et d’audace « dans les transports du coït, elles aimaient à se trouver au-dessus de leurs partenaires, comme l’huile et les sopranos » (extrait de la nouvelle l’épidémie).

Ou bien encore, tiré de Galvez, la plus longue de ces 12 nouvelles, et qui préfigure « les Masques du héros », cet imaginatif et inattendu « Cansinos était un mélange de géant, de canasson et d’orphelin. »

Au-delà de la prouesse d’une langue dense, rayonnante, joyeuse et souvent lubrique, Juan Manuel de Prada nous fait plonger dans un univers où fréquemment la mort, latente, rôde, où le mystérieux côtoie les songes, où rêve et réalité se confondent pour nous réserver une sortie inattendue.

Son univers est la plupart du temps peuplé de poètes ratés qui vivent par procuration, improbables victimes d’un succès incertain, rattrapés par une langue plus forte qu’eux, vivant de compromis et de compromissions.

C’est aussi le trouble et l’émoi suscité par les femmes envers les hommes jeunes, et moins jeunes, qui nous sont ici contés dans un monde où la peau des femmes présente toujours l’étrangeté d’un aspect ou d’une texture absolument inattendus, rendant la tentation d’autant plus grande que l’étrangeté est troublante. Femmes imprévisibles, ô combien désirables, sources d’inconnu et d’incompréhensions.

Il est à noter d’ailleurs que les femmes sont ici le plus souvent victorieuses des hommes qu’elles amènent à une perte directe ou indirecte dans des circonstances incroyables, fantasques ou fantastiques.

Bref, c’est un voyage initiatique que nous propose cet auteur, à travers une langue renouvelée, bousculée, picaresque et truculente. Un régal absolu, une halte impérative dans cette auberge espagnole !

Publié aux Editions du Seuil – 231 pages

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