La dernière mouture d’Olivier Adam est au moins aussi sombre que « Falaises » ou « Passer l’hiver ». C’est dans l’univers des pauvres, des classes moyennes en voie d’exclusion à force de chômage ou de manque d’argent que l’auteur trouve une inspiration renouvelée. Une fois de plus, nous sommes au bord de le mer. De la Manche qui rend le temps changeant et glacial en cet hiver.
Nous sommes quelque part du côté de Sangate, sans doute, puisque, suite à la fermeture d’un centre de rétention administrative, la ville fourmille de réfugiés afghans, irakiens ou sokhovars qui ne rêvent que de passer en Angleterre, illusoire terre promise.
Marie est en plein naufrage, brisée par une dépression qu’elle s’emploie à ne pas vouloir soigner. Elle vient de perdre son emploi de caissière de supermarché pour avoir pété les plombs face à un client abject.
Elle tourne en rond chez elle, délaissant ses responsabilités de ménagère et d’épouse. La vie se déroule à côté d’elle. Une vie qu’elle abhorre. Une vie étriquée, à l’horizon bouché par les crédits qui s’empilent, un amour machinal, des tâches répétitives et sans intérêt.
Alors, presque par hasard, Marie va se laisser emporter corps et âme comme bénévole au centre d’aide aux réfugiés. Elle y trouve un sens à sa révolte et une structuration à une vie qui part en quenouille.
Mais comme Marie est fragile, elle va se laisser emporter par sa mission, s’identifier à ces hommes affamés, séparés de leur famille, violentés par une police raciste, détestés par la population locale. Marie va se donner entièrement sans retenue, sans distanciation.
A ce jeu là, sa famille, ses enfants jeunes, son mari simple mais aimant, vont payer le prix fort. A vouloir trop aimer car elle ne sait pas s’aimer elle-même, Marie va finir par tout perdre et surtout perdre toute raison.
C’est à cette descente hallucinante aux enfers que nous participons, pantelants, sonnés, désespérés de ne pouvoir intervenir. Car le livre possède une force narrative qui fait qu’on s’identifie rapidement à Marie. Soudain ces images vues à la télévision nous reviennent. Il est facile d’y croire et d’y plonger.
Ce livre est donc aussi bien un témoignage poignant sur le quotidien infernal de ces réfugiés dont personne ne veut, persécutés par notre gouvernement, qu’une illustration de la limite à donner à nos actes sociaux, de l’urgente nécessité à savoir donner de soi sans tout donner et donc, tout perdre. La limite est parfois étroite, surtout pour les faibles, les êtres déséquilibrés et fragiles qui trouvent dans la vie associative un refuge et une occasion de fuir la nature même de leurs propres problèmes. Car comment s’occuper efficacement des autres sans s’être occupé correctement de soi ?
La langue d’Olivier Adam est aussi simple que le cœur de ses personnages. La nuit, la pluie, le froid, la mer du Nord sont autant d’éléments permanents dans son œuvre qui contribuent à créer immédiatement un climat d’étouffement. Un climat propice à l’éclatement des conflits dus à une vie de frustrations et d’échecs, autres caractéristiques des personnages de l’auteur.
Il en résulte un livre glaçant, certes moins poignant que « Falaises », mais tout de même réussi.
Publié aux Editions de l’Olivier – 219 pages
Vous avez fait une excellente critique du livre.
RépondreSupprimerJe l'ai lu il y a deux ans et il m'avait poigné.
Très belle écriture celle d'Olivier Adam.
Merci.
merci pour votre commentaire. J'espère que vous trouverez d'autres idées de lecture sur Cetalir.
RépondreSupprimerBien cordialement