29.11.08

Les déferlantes – Claudie Gallay

Il faut se donner le temps d’entrer dans ce gros (très gros) roman dense, de plus de cinq cents pages et au rythme très lent.

Un roman d’ailleurs un peu écrit comme une pièce de théâtre qui prendrait le temps de camper des personnages énigmatiques, dont les faits et gestes commenceraient par nous échapper avant que, très progressivement et en multipliant les rebondissements, on ne finisse par y voir plus clair.

Une place de choix est faite aux dialogues qui structurent le récit. Des dialogues courts, comme dans la vie, mais dont le peu de mots suggèrent plus qu’ils n’en disent. Une place où descriptions et transitions sont rares, voire rarissimes.

La force du livre tient donc dans cette capacité maintenue à susciter l’attention et l’intérêt d’un lecteur interpellé par des personnages étranges, parfois au bord de la folie et qui évoluent dans un environnement austère, voire lugubre.

Nous sommes à La Hague. La mer est omniprésente. Il pleut souvent dans ce livre et l’orage se manifeste ostensiblement en soulevant des déferlantes et en plaquant les mouettes effrayées sur des vitres où elles viennent se fracasser et mourir, les yeux affolés par un destin insoupçonné.

A chaque tempête, le petit village proche de La Hague où se situe l’intrigue vient récolter ce que la mer restitue après l’avoir pris aux navires qui se sont aventurés à l’affronter.
A chaque tempête, la vieille Nan vient hanter la plage, les cheveux défaits, le regard hagard en croyant reconnaître Michel, personnage central du livre et dont le mystère nous sera peu à peu dévoilé.

Un homme, la bonne quarantaine, débarque un beau matin dans ce village perdu de solitude et d’ennui. Son arrivée intrigue d’autant qu’il s’installe dans une maison fermée depuis des décennies avant de la mettre en vente.

Autour de cet homme vont graviter une armée de paumés, en rupture avec la vie, en mal d’amour et d’être aimés, ayant toutes et tous des comptes, conscients ou inconscients, à régler. Telle Lili, qui tient fermement le comptoir du bar local, et qu’on surprendra en grande discussion avec cet inconnu. Tel le vieux gardien de phare, détenteur d’un secret jalousement gardé et dont il finira par se délivrer. Tel ce frère et cette sœur aux rapports presque incestueux, lui sculpteur en butte au monde, lançant sa souffrance en sculptant des bronzes de femmes hantés ou enfantant, elle, un brin allumeuse, brûlant les hommes pour se donner une consistance.

Et puis il y a la narratrice qui ouvre ce livre comme on ouvre un journal, pour se confier, raconter et donc évacuer le trop de peines qu’elle a longtemps porté.
Bref, c’est un roman sombre, assez dur que nous a concocté l’auteur. Un roman qui demande du temps et une certaine persévérance, un roman qui ne pourra laisser indifférent, provoquant adhésion ou rejet, sans nuance.

Nous avons fini par adhérer pour la force narrative, la capacité à maintenir au long cours une atmosphère pesante d’où jaillira la force de reconstruire et de revivre à nouveau.

Publié aux Editions du Rouergue – 525 pages

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