" Dans l’or du temps » est un de ces romans au niveau d’ambition et d’exigence qui le font sortir, d’emblée, du lot.
En effet, il peut être fatal à un ouvrage que de vouloir mêler personnages romanesques et références intouchables du monde artistique, comme le fait ici, avec un talent qui force l’admiration, Claude Gallay.
C’est en effet auprès de Breton, de Braque, de Guggenheim que nous allons, indirectement, nous trouver projetés. Il ne sous sera pas donné de les voir ivre et débattre sous nos yeux mais ils existent dans ce roman comme des personnages bien réels, mus par certains sentiments humains primaires tes que la volonté farouche de se constituer une collection d’objets d’arts exceptionnelle, envers et contre tous, comme cela fut le cas de son vivant avec Breton.
Claude Gallay nous propose un étrange voyage initiatique, un parcours faits de détours, de découvertes incidentes, distillées au compte-gouttes par une vieille dame perdue au fond d’une grande bâtisse de Haute-Normandie.
Une dame délicieuse, un peu perverse, fatiguée de porter certains secrets étouffants et qui va trouver en un trentenaire en mal de vivre, le confident éclairé idéal.
L’autre immense force du récit est d’établir un parallélisme entre deux évènements concomitants, qui se nourrissent l’un de l’autre. Celui de la dissolution lente, sournoise, du couple de jeunes adultes qui habitent une petite maison de vacances en bordure de mer. Un couple que le sel de la vie entame, un couple qui ne sait plus se parler et dont le mutisme, exacerbé par la période de vacances si souvent fatales aux couples en crise, va finir par provoquer l’explosion.
En miroir, un autre couple qui se forme, contre nature, improbable. Celui d’un homme de trente ans et d’une femme de quatre-vingt. Mais pas un couple charnel, un couple de l’esprit, uni par l’amour de l’art, en particulier amérindien, hanté par l’esprit des morts. Un homme qui se tait et une femme qui s’est trop longtemps tue et qui va enfin ressentir l’urgence de dire avant qu’il ne soit trop tard.
Derrière une poésie entretenue par une sublime lenteur, celle du temps qui s’écoule doucement, mais à jamais, c’est la férocité de la vie, sa violence, ses reniements, ses lâchetés qui vont enfin se révéler.
Il en ressort un livre unique, superbement ciselé, précieux et fragiles comme les statues indiennes chargées de représenter et d’accueillir les morts. Un livre superbement documenté, savant et savamment écrit.
Publié aux Editions du Rouergue – 317 pages