8.5.09

Indigne indigo – Michel Chaillou

Certains livres forcent le respect par la qualité de l’écriture, le souffle des formules, l’originalité des comparaisons. « Indigne indogo » fait sans aucun doute partie de cette catégorie minoritaire.

C’est à une langue volontairement élaborée, un rien pédante, forte de nombreuses références pointues que Michel Caillou fait appel pour nous emporter dans un univers clos, mouventé par les tourmentes de la chair et de l’esprit. Une langue au service d’une petite intrigue en bord de mer de cette terre mal connue du Cotentin, du côté de Valognes. Une langue en écho de ce maître de la littérature du XIXeme siècle, Jules Barbey d’Aurivilly, qui séjourna sur place en se livrant à de rituelles agapes et que je ne saurai trop vous recommander.

La maîtrise de l’écriture force l’admiration. Les cent premières pages forment un véritable monument. Cent pages pour décrire la recherche improbable de la maison rêvée par Jean-Jacques, bibliothécaire à la retraite, la soixantaine svelte, le verbe châtié et chatoyant. Cent pages de visites décevantes, d’atermoiements et d’interrogations. Cent pages de ballades sur les chemins creux bas-normands, brinquebalés par une vieille Simca où cohabitent un notaire lyrique et mystique et un retraité à qui un héritage inattendu ouvre des perspectives jusqu’alors inespérées.

Une fois la maison trouvée, ce sont plus de trois cents pages pour l’apprivoiser, la comprendre, découvrir ses secrets et surtout ceux de sa propriétaire. Une Américaine loufoque, artiste peintre, amateur de bons whiskies dont les cadavres de bouteilles peuplent la cave. Une femme qui se sera livrée à d’impressionnants travaux pour redonner vie, au prix de dépenses et d’une énergie inépuisables, à une demeure devenue presque ruine.

Mais qui est vraiment cette femme ? Que cherchait-elle à faire en se livrant à une transfiguration allégorique de la demeure ? Qui sont ces portraits et ces photographies qui peuplent la maison laissée meublée ?

Et que sont ces voix qui hantent les murs, ces craquements incessants. Ils ont une signification indéniable, mais laquelle ?

On retrouve dans ce roman à part, habité par une écriture époustouflante, l’atmosphère des nouvelles du bon Jules. Celle qui fait cohabiter fantastique et émotions, celle qui nous fait descendre au plus profond de nos pensées, les plus intimes et les plus inavouables.

Le livre est peut-être un peu longuet, la fin un peu trop prévisible (mais pût-il en être différemment ?), mais ce gros livre se laisse finalement adopter et on se surprend à plonger avec un certain délice dans l’univers personnel de Jean-Jacques, son démon de solitude, sa recherche infortunée d’amour et de sexe que seules la lecture d’ouvrages rares et la recherche du secret de la belle et mystérieuse propriétaire permettront de les contenir.

Une curiosité recommandable d’un auteur récompensé en 2007 par le Grand Prix de Littérature de l’Académie Française pour l’ensemble de son œuvre.

Publié aux Editions Fayard – 478 pages