10.7.09

Une exécution ordinaire - Marc Dugain

Une des grandes forces de Marc Dugain est son étonnante capacité à se renouveler. Un renouvellement tant stylistique que sur les thèmes abordés.

Nous avions été enchantés par le style riche, charpenté de “Heureux comme Dieu en France”. Nous avions été bluffés par l’approche roman historique extraordinairement documenté, au style très sombre dans “La malédiction d’Edgar”.

Avec “Une exécution ordinaire”, M. Dugain aborde à nouveau l’histoire contemporaine. Pas sous la forme d’une auto-confession permettant de mettre à nu les dessous du système américain et de ses lobbies qui ont conduit à l’assassinat de Kennedy.

Cette fois-ci, Dugain nous entraîne sur l’autre continent de la guerre froide, l’URSS. Une fois encore, cet extraordinaire auteur et romancier qu’est M. Dugain va nous plonger au coeur du système. Un système politique et financier totalement corrompu et qui va préférer laisser mourir la totalité de l’équipage du sous-marin nucléaire en mer de Barents, à 100 mètres de fond, pour ne pas laisser voir son incurie.

Un système qui achète le silence des familles tout en les expatriant loin des lieux du drame.

Un système où tout le monde se sert, à tous les niveaux, avec pour objectif de s’enrichir à tout prix et le plus vite possible.

Un système où dire la vérité ne se conçoit pas. Le mensonge et la manipulation sont les fondamentaux mêmes du système politique du pays. Regardez ce qui se passe en ce moment avec Kasparov...

Très documenté, très précis, le récit fait froid dans le dos. Il nous donne aussi à comprendre qui est vraiment Poutine et quel bourreau paranoïaque fut Staline. Car il semble que ce soit une constante dans la Grande Russie : il faut être fou et/ou implacable pour s’emparer d’un pouvoir tiraillé entre de multiples intérêts antagonistes.

D’un petit espion discipliné, dévoué au régime pourtant déliquescent, prêt à tuer sans état d’âme, Poutine deviendra le nouveau Maître, attendant son heure et coaché, en quelque sorte, par l’un des patrons du KGB, libre d’esprit parce que libre d’ambition politique personnelle. Un homme dont le grand-père fut le cuisinier du Tsar Rouge Staline.

C’est le politique froid, dénué de tout sentiment, stratège que Dugain nous donne à voir. C’est un Poutine redoutable, manipulateur et prêt à sacrifier les siens que nous découvrons, sans grande surprise à dire vrai. Il suffit d’avoir observé sa gestion de la guerre en Tchétchénie, ses procès fiscaux envers les opposants pour comprendre que le pouvoir est un plat qui ne se partage pas pour Vladimir.

C’est sur cela aussi que Dugain nous invite à réfléchir. La fin du roman, noire et sarcastique, résume en soi l’esprit de corruption et de règlements de comptes qui règne en ce beau pays.

On entre comme toujours avec Dugain de plein-pied dans le roman, immédiatement happé par cette extraordinaire capacité à nous porter dans le coeur même d’un récit hallucinant.

Une leçon d’histoire contemporaine.

Publié aux Editions Gallimard - 350 pages