27.7.10

Trois dollars – Elliott Perlman


C’est à une chronique d’un homme ordinaire que nous convie Eliott Perlman. Sur un rythme très lent, nous assistons, par petites touches successives, à une lente descente aux enfers du personnage principal, Eddie.

Un personnage qui se relate à la première personne du singulier avec une grande pudeur, une objectivité et une sincérité naturelles. Un choix pour permettre aux lecteurs de s’auto-identifier immédiatement. Car ce qui arrive à Eddie pourrait arriver à quasi n’importe qui.

Pourtant Eddie est un pur produit de la classe moyenne australienne. Ingénieur chimiste, fonctionnaire studieux, marié et père d’une petite fille adorable.

Mais sa vie se délite, à l’image d’une maison payée à tempérament et dont les traites augmentent en proportion de la hausse des taux variables. Et c’est là tout le problème quand le salaire, lui, fait du sur place et que l’épouse, éternelle thésarde qui est partie à l’épreuve d’un sujet impossible, surhumain et indomptable, finit par ne plus avoir de revenu.

Perlman use d’une belle image. Lentement, sournoisement, la salle de bains se dégrade, les moisissures s’installent, les carreaux se décollent, faute d’entretien. Puis un beau jour, un carreau tombe et c’est la vie qui s’effondre.

L’effondrement sera alors une délivrance et permettra à Eddie d’affronter ses peurs et ses difficultés.

Son amour est absolu pour sa femme bien que perturbé par un amour de jeunesse qui fait irruption systématique tous les neuf ans et demi, sans crier gare et semer un trouble certain.

Des parents qui vieillissent et ont eux aussi du mal à joindre les deux bouts.

Une épouse qui plonge peu à peu dans la dépression, l’isolement, le dégoût et le découragement.

Les amis dont, avec le temps, on vient à se demander comment on a pu les aimer, les admirer.

On l’aura compris, le roman repose intégralement sur des choses de la vie de la plus extrême simplicité auxquelles tout lecteur peut immédiatement s’identifier.

C’est la précision avec laquelle leur enchaînement est décrit qui fait une des forces de ce roman d’une extrême densité humaine, un roman profond, réfléchi, admirable de simplicité, implacable par la logique qu’il dépeint.

Le fond sera touché lorsque Eddie constatera, à trois reprises, le même jour qu’il ne lui reste que trois dollars pour vivre, à dix jours de l’échéance du remboursement d’un emprunt qui dévore sa vie.

A l’image de la couverture du roman où l’on devine un funambule qui se déplace en équilibre précaire sur une corde, ce roman nous dit combien il est facile de faire les mauvais choix, combien la vie est une lutte permanente pour ne pas tomber du mauvais côté, balancer entre ses convictions et la nécessité, faire des compromis sur tout et renoncer à ses tentations comme à ses rêves.

Laissez-vous porter par une musique lente, remarquablement composée, rythmée par un humour très second degré et assez décapant qui permet de s’amuser de soi quand on n’a plus rien d’autre à perdre.

Un livre absolument admirable, à part, simplement beau et bien construit.

Publié aux Editions Robert Laffont – Pavillons – 403 pages