31.10.11

La haine de la famille – Catherine Cusset


Comme toujours chez Catherine Cusset, il y a beaucoup de la propre histoire de l’auteur qui se retrouve dans ce roman assez spécial.

Comme l’auteur, celle qui parle et tente de raconter sa famille, est sortie d’Ulm. Comme l’auteur, elle est professeur de lettres (Cusset l’est en littérature française à New York). Comme celle de l’auteur, la famille est bourgeoise, installée, la mère juge aux affaires familiales, mère de quatre enfants dont trois Normaliens, le père cadre supérieur chez ESSO et énarque. Comme l’auteur, celle qui raconte partage sa vie entre la France et les Etats-Unis. Etc…

D’ailleurs, et c’est ce qui dérange dans ce livre, on ne sait pas vraiment si c’est sa propre vie que Cusset raconte ou une vie fictive. La frontière entre un vécu que l’on devine lourd et la fiction, œuvre de l’esprit, semble ténue.

Un livre structuré entre deux parties très différentes, presqu’en rupture. La première partie, qui représente environ les deux tiers du récit, est une véritable critique assassine d’une famille en apparence bien sous tous rapports.

Sous des aspects rangés et policés, c’est un rapport amour-haine qui régit l’essentiel des relations entre les parents et leurs enfants. Des parents qui se détestent et qui maintiennent un semblant d’unité parce qu’il est impossible pour une JAF de divorcer et parce que le sexe tient un rôle prépondérant dans ce couple qui ne communique que par les cris, les accusations sans fondements du mari auxquelles l’épouse répond par un refuge permanent à l’écoute de France Culture sur cinq postes de radio à la fois.

Des enfants qui n’existent que par les résultats scolaires, la réussite sanctionnée par les meilleurs diplômes mais qui n’ont pas véritablement d’existence affective et qui vivent dans le stress permanent de l’insécurité créée par leurs parents.

Le ton est lourd, violent et évoque un besoin d’évacuation psychanalytique. Le récit en devient trop personnel ce qui en rend l’appropriation virtuellement impossible et impose une distanciation préjudiciable.

La deuxième partie est plus légère. Elle évoque les premières années et les prouesses de la grand-mère maternelle, avocate et juive, et qui sut échapper avec culot et sang-froid à la gestapo.

Comme souvent chez Cusset, l’affiliation juive constitue une trame indispensable et la mise en perspective à l’Histoire, celle de l’holocauste, est prépondérante.

Cette deuxième partie est aussi la moins réussie, la plus convenue. Elle manque d’allant et d’inspiration et contribue à encore plus déséquilibrer un récit jusqu’alors en équilibre précaire.

Il en résulte un livre globalement très décevant et qui hésite entre l’autobiographie au petit vitriol et le romanesque qui rate son envol. Bref, ce qu’on appelle un ratage.

Publié aux Editions Gallimard – 224 pages