19.12.12

Garden of love – Marcus Malte



Un jardin d’amour, image idyllique d’un paradis de fleurs, de verdure et de petits oiseaux célébrant la passion et l’élévation des cœurs. Stop, arrêtez tout ! Vous faites fausse route. Le jardin dans lequel nous entraine Marcus Malte n’a rien de paradisiaque. Il est au contraire semé de fleurs mortellement vénéneuses, de plantes urticantes qui laisseront des pustules honteux, de mauvaises herbes qui sèment la vengeance, la mort et la terreur au gré de leur colère.

Bref, c’est dans un roman policier noir que se situe l’intrigue assez alambiquée imaginée par son auteur. Un thriller typique de la tendance actuelle avec, comme personnage central, un flic à bout de souffle. Un mec tellement usé par l’alcool, la fréquentation dangereuse de truands qui ont su gagner sa protection au prix de son honnêteté qu’il ne travaille plus au commissariat depuis belle lurette et est payé à ne rien faire comme ultime récompense d’une carrière où il en a serré plus d’un. Le portrait robot, ou presque, de bien des romans du genre.

Désormais rangé et bon père de famille, l’enfer va se rouvrir sous ses pieds le jour où il recevra un manuscrit anonyme intitulé « Garden of love ». Un récit d’une rare violence où sa propre vie, ses propres errances lui seront racontées. Un récit dérangeant et qui va le mener tout droit vers celui qu’il traqua toute sa vie, un ange noir de la terreur, un virtuose de la machination et du meurtre irrésolu qui lui laisse un embarrassant manuscrit en forme de testament.

Comme nous finirons laborieusement par le comprendre, le roman alterne entre des extraits de ce manuscrit et la vie réelle de certains des personnages dont des doubles théoriques auxquels d’autres prénoms ont été donnés sont mis en scène dans le document qu’il s’agit d’interpréter. Des doubles qui revivent une combinaison complexe de séquences réelles et d’autres imaginées par l’esprit démoniaque et schizophrénique de leur auteur.

Ces mélanges incessants font la force et la faiblesse du roman. Sa force en ce sens qu’ils entrainent le lecteur dans un tourbillon où la perte de repères, l’odeur nauséabonde des bas-fonds de la société, l’omniprésence d’une tension sexuelle quasi pornographique (avec un premier chapitre à couper le souffle d’ailleurs) font que l’on se laisse emmener et qu’on ne peut plus décrocher d’un livre dont on veut vraiment comprendre la logique et la fin. Sa faiblesse aussi, car souvent on ne comprend plus rien, on ne sait pas qui est qui, on ignore si l’on se trouve dans une section du manuscrit cité ou dans le roman lui-même ce qui nécessite un véritable effort de la part du lecteur pour ne pas décrocher.
Marcus Malte tient malgré tout cela avec une assez grande maîtrise grâce à une langue acérée comme le fil du couteau qui servira à égorger les victimes, une capacité à dire l’essentiel en peu de mots qui claquent comme la hampe sur le mât au vent déchainé. Il est cependant dommage que la fin soit un peu trop convenue et que le rythme, du coup, s’effondre dans le dernier quart du roman.

Bref beaucoup de bonnes choses mais trop d’imperfections pour en faire un roman véritablement exceptionnel. C’est simplement un bon roman policier qui vous tiendra en haleine pendant quatre heures ce qui n’est déjà pas mal.

Publié aux Editions Zulma – 2007 – 318 pages

Merci à Marie-Noëlle Rolland de la librairie Lirenval de St Rémy les Chevreuses d’avoir mis cet exemplaire à notre disposition dans le cadre de la sélection du Prix Michel Tournier.