« La chambre aux échos » est un roman qui ne se
laisse pas facilement aborder. Il faut tout d’abord en franchir la longueur
(plus de 470 très grandes pages aux petits caractères et d’une écriture assez
serrée) : même pour un lecteur rapide comme moi, ne comptez pas moins de
douze à quinze heures de lecture assidue. Par son thème ensuite qui amène
l’auteur à faire référence, à de très nombreuses reprises, à des travaux en
neuro-chirurgie, neuro-chimie ou psychiatrie et, donc, à utiliser les termes
scientifiques spécialisés pour donner à comprendre au lecteur les mécanismes
qui sont en œuvre dans ce roman assez fascinant.
Ce qui est au cœur de l’ouvrage, ce sont les chemins
tortueux et inattendus que le cerveau humain peut emprunter suite à une
maladie, un choc, un accident. A ce titre, la description (même rapide, donc
non clinique) de cas étudiés par la médecine est absolument fascinante, même si
elle peut faire peur tant il n’y a pas de limites aux bizarreries, à
l’a-normalité.
Les cas de ces patients qui sont convaincus d’avoir une main
greffée sur leur visage, un membre (un troisième bras, une troisième jambe)
transmis par un parent récemment décédé malgré toutes les preuves factuelles,
scientifiques et irréfutables qu’on peut leur opposer est absolument
extraordinaire. Comme bien d’autres, abondamment cités dans ce roman dense.
Pourquoi une telle débauche de références médicales ?
Tout simplement parce qu’un jeune homme, Mark Schluter, alors qu’il roulait à
vive allure sur les pleines alluviales désertes du Nébraska, celles qui
accueillent tous les ans des millions de grues en train de migrer, se retrouve
tout à coup hospitalisé, à l’état de quasi-légume, suite à un gravissime
accident de la route.
L’une des nombreuses conséquences de cet accident est
d’avoir profondément altéré la personnalité de Mark au point qu’il est
convaincu d’être devenu une sorte de doublure de lui-même, projeté dans la
réplique presque parfaite du monde qu’il a connu auparavant, mais pas parfaite
car il y dénote de légères différences de détails. Une doublure poursuivie par
de mystérieux agents qui font sur lui de multiples expériences dont la plus
troublante est, sans doute, de lui avoir envoyé sa sœur, avec laquelle il
entretenait une relation fusionnelle, sous la forme d’un robot, extrêmement
déroutant tant l’imitation est parfaite, tant sa connaissance de détails
intimes est improbable. Ceci porte le nom de syndrome de Capgras.
Nous allons assister en détails à l’évolution de ce
syndrome, complété par d’autres au fur et à mesure que l’état de Mark s’aggrave
tant et si bien qu’il va devenir l’objet d’une étude approfondie de la part
d’un spécialiste célèbre, également et surtout auteur de nombreux ouvrages de
vulgarisation sur les neuro-sciences. Or ce médecin, va lui même connaître une
profonde altération de sa personnalité en étudiant ce cas, en se trouvant
confronté à des choix personnels et professionnels critiques. Tout comme
d’ailleurs tout l’entourage de Mark, tant le stress que cette maladie induit
est intense.
Bref, nous plongeons dans la psyché et observons, à l’aide
de procédés didactiques (un peu comme les séquences de combats de rats de
laboratoires dans « mon oncle d’Amérique » d’A. Resnais), les
multiples interactions entre une galerie de personnages perdus et ébranlés par
un cas qui les dépasse.
La limite du roman tient cependant dans l’ambition de
l’auteur à vouloir mener de front trois ou quatre histoires qui, en soi,
auraient chacune pu justifier d’un roman à part entière, le tout sur fond de
combat écologique en vue de sauver les grues du Nébraska.
D’où une certaine indigestion et une impatience à en finir
lorsque le cap des cent dernières pages est franchi.
A découvrir sous réserve de prendre son temps et d’accepter
de lire, en essayant de comprendre, de nombreuses pages assez scientifiques, du
moins pour les non spécialistes.
Publié aux Editions « le cherche midi » - 471
pages