Dans « L’année de la pensée magique », Joan Didion tentait d’exorciser le décès brutal de son mari, le scénariste John Gregory Dunne, survenu un soir de Noël. Avec son dernier livre, « Le bleu de la nuit », elle tente de survivre à une autre perte, survenue quelques mois plus tard, celle de sa fille adoptive Quintana à l’âge de trente-neuf ans à la suite d’une hémorragie cérébrale ayant entraîné une agonie de plusieurs mois.
Le bleu de la
nuit, c’est pour Joan Didion « le contraire de l’agonie de la clarté, mais
aussi son avertissement ». C’est surtout pour elle le moyen d’évacuer la
question de savoir si elle aura été une bonne mère pour cette enfant tant
désirée et intensément aimée, d’apprendre à vivre avec une perte irrévocable
après celle d’un compagnon de toute une vie.
Avec beaucoup de
pudeur mais aussi une émotion à fleur de peau, servie par une écriture aussi
précise qu’essentielle, Joan Didion laisse remonter la foultitude de souvenirs
qui la raccroche à une existence faisant désormais partie d’un passé révolu.
On y découvrira
les moments secrets et magiques où l’enfant tant espéré fut enfin confié et
rencontré, immédiatement aimé et pris en charge. Une enfant vivant au beau
milieu de l’intelligentsia américaine entre des parents scénaristes qui
l’emmènent partout avec eux sur les tournages et une mère rédactrice chez
Vogue. Une enfant extraordinairement intelligente et précoce, écrivant son
premier livre à treize ans suivant en cela la trace de ses parents adoptifs écrivains.
Un mariage dont
la narration est l’une des plus belles pages de ce livre bouleversant, le
temps, la distance et le talent faisant de ce moment unique un moment quasi
divin et mystique.
Et puis
l’accompagnement harassant, presque jusqu’à la folie, d’une enfant dont on
comprend peu à peu qu’elle ne survivra jamais parce que toutes les opérations,
tous les transferts d’un hôpital à l’autre ont échoué.
Il faut prendre
ce livre pour ce qu’il est : un exutoire à la douleur, un hommage aux
défunts, un cri d’amour déchirant d’une mère et d’une épouse qui tente de
survivre en se rattachant à ce qu’elle sait faire, magnifiquement :
écrire.
Publié aux
Editions Grasset – 2013 – 233 pages