« Fuir » constitue le deuxième tome de la trilogie
amoureuse entre le narrateur, dont nous ignorons le nom, et Marie, cette belle
ensorcelée, fantasque, insupportable, délicieuse et enjôleuse. Comme pour le
premier tome « Faire l’amour » ou le récent « La vérité sur
Marie », ce court fascicule peut se lire en toute indépendance des deux
autres.
Toussaint a le chic pour poser, en quelques phrases, le ton
et le lieu du récit. Nous voici débarqués en plein Shanghai où le narrateur se
rend. Il doit y remettre une enveloppe comportant vingt mille dollars à l’agent
de Marie dont, une fois de plus, il est plus ou moins séparé.
Perdu dans un pays dont il ne comprend ni la langue ni les
usages, il se trouve confronté à deux étranges personnages. L’agent, vaguement
menaçant, indéchiffrable, vociférant régulièrement dans son téléphone portable,
aux allures de malfrat et de combineur. Mais aussi, et surtout car c’est un
thème récurrent dans cette trilogie du désir, une troublante jeune chinoise,
furieusement attirante et qui entretient une relation énigmatique avec l’agent.
Sur cette trame, Toussaint nous entraine sur un rythme
effréné à travers une Chine sale et bruyante, d’autant plus dangereuse que les
activités du binôme chinois prennent des libertés appuyées avec la légalité.
Mais ce roman est aussi, voire surtout, un roman sur
l’attirance, sur le jeu de la séduction, sur la difficulté à quitter un être
qui fut aimé et qui a le chic pour vous rattraper aux pires moments d’une
nouvelle tentative amoureuse. Car Marie est une indescriptible chieuse !
Pourtant, on reste en dehors de ce roman qui n’a ni la
puissance scripturale et narrative du dernier tome, ni l’unicité étrange des
premiers romans de l’auteur. Le livre se laisse lire plaisamment, on y admire
une apparente facilité à écrire, mais on pourrait bien l’oublier aussi vite
qu’on l’aura lu.
Publié aux Editions de Minuit – 2005 - 186 pages