Dès la couverture, le ton est donné. Nous
savons, qu’une fois encore, Amélie Nothomb (à nulle autre comparable, ovni de
la littérature d’expression française contemporaine) va nous entrainer dans un
de ses univers personnels un brin pervers, souvent féroces, toujours décalés.
Imaginez qu’un inconnu sonne à votre porte et
qu’il vous demande à passer un coup de fil parce que sa voiture vient de tomber
en panne. Vous acceptez et tout à coup, sans prévenir, voilà le quidam qui
tombe raide mort ! Comment réagir à ce coup du sort surtout quand la
veille, un mondain a insisté qu’en pareille circonstance, il convient surtout
de ne pas prévenir les secours au risque d’être soupçonné de meurtre et de
faire l’objet de tracasseries à n’en plus finir.
Comme l’inconnu a votre taille, une identité
et une nationalité qui ouvrent des perspectives, vous optez pour échanger les
corps. Vous voilà donc débarrassé de votre existence terne et solitaire et en
route vers une vie nouvelle inconnue, donc excitante, d’autant que l’inconnu
présente toutes les caractéristiques d’un homme riche.
A partir de ce scenario original et tout à
fait dans le ton des univers Nothombiens, notre Amélie concocte un court roman
à rebondissements. Bien sûr, il est inconcevable qu’aucun des deux personnages
principaux (le mort-vivant – si j’ose dire ! – et sa belle épouse que l’homme
va s’en aller retrouver) puisse se comporter de façon normale et c’est cela qui
fait la drôlerie du récit. Il faut beaucoup d’imagination et de décalage pour
s’abstraire des bonnes manières et rendre normale une histoire qui tient plus
du rêve éveillé ou du fantastique que du monde réel.
A condition d’accepter ce parti-pris (mais
avec Mme Nothomb on sait d’avance à quoi s’attendre), on passe un agréable
moment en ne cessant de s’interroger sur le tour que nous aurions donné au
récit si nous eussions tenu la plume !
Toutefois, la fin plus conventionnelle nous a
paru gâcher le plaisir d’un huis clos à la Ionesco. Cela en fait un roman
sympathique mais certainement pas, et de loin, le meilleur de la production de
Madame Amélie.
Publié aux éditions Albin Michel – 2008 – 170
pages