Yoshida-san est un écrivain japonais à succès âgé d’une
quarantaine d’années. Il est considéré comme l’un des principaux représentants
d’une lignée de romanciers qui
s’acharnent à dépeindre le Japon contemporain dans ce qu’il a de plus déroutant
y compris pour ses propres habitants. Il fut récemment récompensé de
l’équivalent du Prix Goncourt local.
« Parade » est le dernier roman de Yoshida paru et
traduit en France. Sa structure est assez originale et déstabilisante. L’auteur
choisit en effet de traiter du sujet de la colocation, phénomène qui tend à
s’accroître au Japon pour cause de rareté de l’espace et de pression sur les
prix. Un sujet qui permet également de parfaitement donner à voir les limites
inhérentes à la cohabitation, chacun des occupants du logement, digne
représentant de la nouvelle génération qui cherche ses marques dans un pays qui
part largement à la dérive, vivant à côté plus qu’avec les autres membres de la
petite communauté.
Pour cela, l’auteur choisit de donner la parole aux cinq
personnages qui se partagent un petit appartement composé de deux chambres (une
pour les filles, une autre pour les garçons) et un petit salon. Des personnages
qui tous fuient quelque chose, leur origine provinciale, un sens à donner à une
vie, leur angoisse de devoir s’assumer et qui, pour certains, recèlent un
secret qui va se dévoiler, tantôt brusquement, tantôt lentement.
Ryôsuke est un étudiant dilettante qui recule le plus
longtemps possible le moment de passer dans le monde adulte et professionnel.
C’est le plus transparent de la bande, serviable, toujours prêt à dépanner au
volant d’une quasi épave qui ne peut rouler plus de dix kilomètres sans tomber
en panne. Il dépeint ses camarades comme il les perçoit, sans concession et
sans illusion.
Kotomi est une belle jeune femme qui ne fait strictement
rien de ses journées. Elle passe son temps reclus dans l’appartement, accoutrée
d’un survêtement, dans l’attente fébrile d’un appel de son amant, jeune acteur
à la mode de série télévisée sentimentale. Sa vie est aussi vide que son
esprit. C’est l’archétype de l’adulte enfant, de la personne qui ne pourra
vivre sans être béquillée par une autre pour la prendre en charge.
Mirai est la plus frivole des femmes de cette communauté.
Elle collectionne les aventures et les beuveries qui sont autant de prétextes
pour maquiller la série d’échecs qui semble caractériser sa vie. Dessinatrice
et maquettiste de formation, elle végète comme employée d’un magasin de
couleurs et vit la nuit à la recherche de l’extraordinaire qui la fera sortir
de cette vie fondamentalement absurde et suicidaire.
Saturo est un jeune homme de dix huit ans qui va venir
rejoindre inopinément le quatuor (avec Naoki dont nous parlerons plus bas),
ramené un soir d’ivresse et d’inconscience par Mirai. Saturo est un
« travailleur de la nuit » : il vend son corps aux mâles en
quête de chair fraiche. Le jour, il dort et finance à fonds perdus les besoins
de la communauté qui, en retour, le prend en charge en lui donnant une raison
d’exister.
Naoki, enfin, est le plus âgé de la bande. En apparence,
c’est le plus stable, celui dont on recherche les conseils, celui qui a un
emploi stable dans une maison de distribution de films. En fait, c’est le plus
fébrile, le plus fragile de la bande en même temps que le porteur d’un lourd
secret dont son entourage se doute mais dont il se détourne avec pudeur.
On pensera à Perec en lisant « Parade », dans un
style toutefois considérablement appauvri et un format densifié. On sortira mal
à l’aise de cette lecture, au moins autant que chacun des protagonistes de
cette petite musique. J’avoue toutefois ne pas avoir été captivé par ce livre
qui m’a laissé profondément sur ma faim.
Publié aux Editions Philippe Picquier – 2010 – 261 pages